Amis Bibliophiles bonjour,
"Couverture d'époque et dos conservés", le bibliophile croise très souvent cette expression dans les notices des libraires ou des catalogues de vente aux enchères. Son sens est assez évident à comprendre, cela signifie qu'au moment de relier l'ouvrage, le relieur a préservé la couverture brochée de l'époque, voire le dos, le plus souvent relié à la fin de l'ouvrage. Cette mention accroît généralement la valeur d'un ouvrage, mais savez-vous pourquoi?
Cette mode est apparue au 19e siècle (auparavant, les ouvrages étaient livrées sous couverture d'attente, en général vierge, au relieur, qui les enlevait avant de relier l'ouvrage), et elle a trouvé son origine dans deux tendances de fond de la bibliophilie de ce siècle, qui se sont succédées.
Pour les bibliophiles de l'époque romantique, conserver la couverture brochée, et surtout le dos était capital. Aux yeux de ces puristes, les exemplaires reliés dont la couverture brochée et le dos avaient été conservés étaient des exemplaires parfaits et complets, parce qu'ils étaient rebrochables à tout instant pour peu que l'on cassât la reliure. Le processus était totalement réversible à condition que le dos soit présent. Vandérem cite d'ailleurs l'exemple d'un bibliophile l'ayant invité à visiter sa bibliothèque de livres brochés. A son arrivée, il découvre des rayonnages complets de riches reliures signées, signifiant sa surprise, il se voit répondre par son hôte: "(cet ouvrage est bien broché), il est complet: marges, couvertures, dos. On n'a qu'à casser la reliure (sic) pour en faire un broché".
Logiquement, un Vandérem relié en demi-maroquin, mais dont couverture et dos ont été conservés. |
A partir du second empire, cette tendance fût renforcée par la multiplication des papiers proposés pour chaque ouvrage, qui entraînait une plus grande diversité des prix pour un même ouvrage. Dans la recherche de l'exemplaire parfait sur grand papier, conserver la couverture de l'époque sous la reliure était un atout de plus pour un ouvrage, mais c'est à partir de ce moment là que l'importance du dos est devenue encore plus grande: en effet, les prix étaient généralement inscrits sur les dos et conserver le dos permettait également de connaître le type d'exemplaire auquel on avait affaire dans le cas où l'on est pas le premier propriétaire de l'ouvrage.
Personnellement, il m'est arrivé d'avoir des difficultés à identifier le tirage et le grand papier d'un ouvrage, et c'est une indication dans le Vicaire qui m'a permis de trouver la bonne réponse, parce que le prix était inscrit au dos de la couverture brochée, qui avait été conservée.
L'EO de Une vie de Maupassant, avec sa couverture et son dos conservés. La date et le dos qui porte le prix qui permettent de l'identifier selon le Vicaire. |
Sans parler de réversibilité et de casser une reliure pour rebrocher un exemplaire, les ouvrages reliés dont la couverture d'époque a été conservée ont donc une valeur bibliophilique plus grande, qui s'accroît encore lorsque le dos est aussi présent, ce qui est plus rare. Soyez attentifs, la couverture, premier et second plat, ainsi que le dos, peuvent parfait avoir été reliés en fin d'ouvrage.
Si l'on en croît Clouzot, dans son Guide du bibliophile français (Chapitre III - Notions générales de Bibliophilie pratique), "certains volumes de l'époque romantique ont eu la mauvaise chance d'être reliés trop tard. Trop tard pour qu'ils puissent prétendre à posséder une reliure d'époque, trop tôt pour avoir connu la mode de la couverture conservée et des marges intactes. En principe, et à moins qu'il ne s'agisse d'ouvrages extrêmement rares ou possédant une particularité attachante, ces exemplaires sont à rejeter" Vous savez ce qu'il vous reste à faire.
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