Amis Bibliophiles Bonsoir,
Selon Jacques-Auguste de Thou, « la France et le monde chrétien lui doivent plus de reconnaissance qu'aux plus grands capitaines, et qu'il a davantage contribué à immortaliser le règne de François Ier que les plus belles actions de ce prince. ».
Second fils de Henri Estienne et frère de François I et Charles I (pour plus de clarté, c’est ainsi que l’on nomme les divers membres de la famille Estienne), Robert I Estienne (1503 – 1559) fût une figure du 16ème siècle et les des plus grands libraires-imprimeurs de l’histoire.
Après avoir démarré son apprentissage dans l’imprimerie paternelle, il le poursuit chez son beau-père, Simon de Colines (qui épousa la veuve de son père), avant d’épouser l’une des filles de l’imprimeur Josse Bade, qui lui apporte une dot substantielle. Après une première période marqué par sa collaboration avec Simon de Colines (jusqu’en 1526), il commence très tôt à imprimer pour son propre compte et se distingue rapidement par une typographie qui reste une référence : choix du format, des caractères (ceux de Colines puis les siens, qu’il fît graver en 1552), mise en page méticuleuse sont ses marques de fabrique.
Mais ceci n’est rien sans un choix avisé des textes et c’est également dans ce domaine que Robert Estienne, qui parle le latin, le grec mais aussi l’hébreu, va se distinguer (on notera au passage que la légende veut que tout le monde parlait le latin chez les Estienne, des enfants aux domestiques). En effet, s’il démarre avec des éditions scolaires et pédagogiques (le premier livre qui sortit de ses presses fut les Partitions oratoires de Cicéron, portant la date du 7 des kalendes de mars 1527), il va rapidement s’orienter vers les ouvrages religieux, publiant notamment une édition in-folio de la Bible puis des éditions de l’Ancien Testament en hébreu.
Au final, il proposera constamment de nouvelles éditions des classiques, supérieures à toutes les précédentes, enrichies pour la plupart de notes et de préfaces pleines d’intérêt. En 1539, François 1er le nomme imprimeur du Roi pour le latin et l’hébreu, puis le grec. Il collaborera alors avec Garamond pour tailler des fontes grecques inspirées de l’écriture du scribe royal.
Proche de la Réforme, il est poursuivi par les théologiens de la Sorbonne qui resteront sans effet tant qu’il bénéficiera e la protection de François 1er. Las, le Roi meurt en 1547 et Robert Estienne ne peut plus compter sur une protection aussi ferme de son successeur, Henri II. Le 25 novembre, celui-ci finit par interdire les bibles de Robert Estienne, provoquant le départ de l’imprimeur vers la Suisse, où il va s’implanter. A Genève, il embrasse le calvinisme et il décédera dans cette ville en 1559. Parmi ses fils, c’est Henri II Estienne qui s’illustrera ensuite.
Que retenir de Robert Estienne au delà d’une vie au service de l’édition française ?
Ses marques: sa marque personnelle est un Olivier à la branche taillée, et portant la devise « noli altum sapere sed time », tirée de l’Epître aux Romains: « ne goûte pas à la profondeur, mais respecte la ».
Les ouvrages qu'il a publiés comme imprimeur du roi sont marqués d'une lance autour de laquelle sont entrelacés un serpent et une branche d'olivier. On lit au bas ce vers d'Homère : Bϰσιλξῖ ἲ ἂγαΦᾢ ϰρατξρᾤ ἲ αῒχμητᾔ, que l'on peut rendre par ces mots : « Au bon roi, et au vaillant soldat. ». Charles Estienne, Adrien Turnèbe, Guillaume Morel, Jean Bienné (Bene natus), et tous ceux qui avaient la permission d'employer les caractères grecs du roi ont adopté cet emblème.
Un ouvrage : le Thesaurus linguae latinae (1528, édition définitive en 1543) qui apparaît comme le premier «dictionnaire » bilingue, principalement destiné aux savants.
Des caractères : les caractères grecs dits royaux (regiis typis) créés avec Garamond.
Une trace : son nom a été donné à l’École supérieure Estienne des arts et des industries graphiques, à Paris, spécialisée dans les arts graphiques et l’imprimerie… dont sortent quelques talentueux lecteurs du blog.
Deux anecdotes ?
On prétend que, pour s'assurer davantage de la correction des ouvrages qu'il imprimait, Robert Estienne en affichait les épreuves en promettant des récompenses à ceux qui y découvriraient des fautes.
Humaniste, Robert Estienne était également un homme d’affaires avisé qui publiait des catalogues portant prix et formats et éditions à paraître.
Selon Jacques-Auguste de Thou, « la France et le monde chrétien lui doivent plus de reconnaissance qu'aux plus grands capitaines, et qu'il a davantage contribué à immortaliser le règne de François Ier que les plus belles actions de ce prince. ».
Second fils de Henri Estienne et frère de François I et Charles I (pour plus de clarté, c’est ainsi que l’on nomme les divers membres de la famille Estienne), Robert I Estienne (1503 – 1559) fût une figure du 16ème siècle et les des plus grands libraires-imprimeurs de l’histoire.
Après avoir démarré son apprentissage dans l’imprimerie paternelle, il le poursuit chez son beau-père, Simon de Colines (qui épousa la veuve de son père), avant d’épouser l’une des filles de l’imprimeur Josse Bade, qui lui apporte une dot substantielle. Après une première période marqué par sa collaboration avec Simon de Colines (jusqu’en 1526), il commence très tôt à imprimer pour son propre compte et se distingue rapidement par une typographie qui reste une référence : choix du format, des caractères (ceux de Colines puis les siens, qu’il fît graver en 1552), mise en page méticuleuse sont ses marques de fabrique.
Mais ceci n’est rien sans un choix avisé des textes et c’est également dans ce domaine que Robert Estienne, qui parle le latin, le grec mais aussi l’hébreu, va se distinguer (on notera au passage que la légende veut que tout le monde parlait le latin chez les Estienne, des enfants aux domestiques). En effet, s’il démarre avec des éditions scolaires et pédagogiques (le premier livre qui sortit de ses presses fut les Partitions oratoires de Cicéron, portant la date du 7 des kalendes de mars 1527), il va rapidement s’orienter vers les ouvrages religieux, publiant notamment une édition in-folio de la Bible puis des éditions de l’Ancien Testament en hébreu.
Au final, il proposera constamment de nouvelles éditions des classiques, supérieures à toutes les précédentes, enrichies pour la plupart de notes et de préfaces pleines d’intérêt. En 1539, François 1er le nomme imprimeur du Roi pour le latin et l’hébreu, puis le grec. Il collaborera alors avec Garamond pour tailler des fontes grecques inspirées de l’écriture du scribe royal.
Proche de la Réforme, il est poursuivi par les théologiens de la Sorbonne qui resteront sans effet tant qu’il bénéficiera e la protection de François 1er. Las, le Roi meurt en 1547 et Robert Estienne ne peut plus compter sur une protection aussi ferme de son successeur, Henri II. Le 25 novembre, celui-ci finit par interdire les bibles de Robert Estienne, provoquant le départ de l’imprimeur vers la Suisse, où il va s’implanter. A Genève, il embrasse le calvinisme et il décédera dans cette ville en 1559. Parmi ses fils, c’est Henri II Estienne qui s’illustrera ensuite.
Que retenir de Robert Estienne au delà d’une vie au service de l’édition française ?
Ses marques: sa marque personnelle est un Olivier à la branche taillée, et portant la devise « noli altum sapere sed time », tirée de l’Epître aux Romains: « ne goûte pas à la profondeur, mais respecte la ».
Les ouvrages qu'il a publiés comme imprimeur du roi sont marqués d'une lance autour de laquelle sont entrelacés un serpent et une branche d'olivier. On lit au bas ce vers d'Homère : Bϰσιλξῖ ἲ ἂγαΦᾢ ϰρατξρᾤ ἲ αῒχμητᾔ, que l'on peut rendre par ces mots : « Au bon roi, et au vaillant soldat. ». Charles Estienne, Adrien Turnèbe, Guillaume Morel, Jean Bienné (Bene natus), et tous ceux qui avaient la permission d'employer les caractères grecs du roi ont adopté cet emblème.
Un ouvrage : le Thesaurus linguae latinae (1528, édition définitive en 1543) qui apparaît comme le premier «dictionnaire » bilingue, principalement destiné aux savants.
Des caractères : les caractères grecs dits royaux (regiis typis) créés avec Garamond.
Une trace : son nom a été donné à l’École supérieure Estienne des arts et des industries graphiques, à Paris, spécialisée dans les arts graphiques et l’imprimerie… dont sortent quelques talentueux lecteurs du blog.
Deux anecdotes ?
On prétend que, pour s'assurer davantage de la correction des ouvrages qu'il imprimait, Robert Estienne en affichait les épreuves en promettant des récompenses à ceux qui y découvriraient des fautes.
Humaniste, Robert Estienne était également un homme d’affaires avisé qui publiait des catalogues portant prix et formats et éditions à paraître.
H
5 commentaires:
Par son mariage avec Pérette Bade en 1526, Robert Estienne devenait le beau-frère du libraire Jacques du Puys, époux de Madeleine Bade, et de deux autres imprimeurs célèbres de la rue Saint-Jacques : Michel de Vascosan, époux de Catherine Bade, et Jean de Roigny, époux de Jeanne Bade.
Le chef-d'oeuvre de Robert Estienne est le "Roberti Stephani Dictionarium seu Latinae linguae Thesaurus" de 1532, in-folio publié pour remplacer l'insuffisant lexique du moine augustin Ambrogio Calepino de 1502.
Devenu imprimeur du roi, Robert Estienne employa sur ses impressions grecques l'ancienne marque de son prédécesseur, Conrad Néobar, le thyrse (attribut de Dionysos constitué par un long bâton surmonté d'une pomme de pin ou d'une touffe de feuilles) entouré d'un rameau d'olivier et d'un serpent, qui devint la marque des imprimeurs du roi pour le grec.
Robert Estienne eut une douzaine d'enfants de Pérette Bade. Veuf, il avait épousé, à Genève en 1550, Marguerite Deschamps, dite Duchemin, veuve d'un sieur Mugnier, dont il n'eut pas d'enfant.
C'est le nom du dernier descendant direct de la famille des Estienne, Henri Estienne (1851-1928), prote d'imprimerie à Montrouge (Hauts-de-Seine), qui fut donné en 1889 à l'Ecole Supérieure des Arts et Industries Graphiques de Paris.
Bonsoir,
Je n'ai qu'un ouvrage imprimé par Robert Estienne et comme une marque ancienne indique (au revers du premier plat [avec une très jolie claie]) "premier ouvrage imprimé par Robert Estienne en caractères italiques", je me demandais si l'auteur de ce graffiti avait raison...
Il s'agit de l'ouvrage suivant : M. TULLI CIRERONIS EPI
sstolae ad Atticum [...]
PAULI MANUTII IN EAS
dem epistolas (...)"
1543, in8 (velin à recouvrement, seuls les cordons sont manquants), 649p. + une cinquantaine de pages (non paginées) de lexique suivies des lettres de Paulo Manuzzio.
La qualité de l'impression, du papier, la fraicheur du livre et de la reliure (ordinaire de l'époque) ont fait que je n'ai pas résisté.
S'il est quelque "stéphaniste" pour m'éclairer (ainsi que celui qui n'est sans doute plus là pour l'entendre)...
Amicalement,
Olivier
„Cette estimable édition est la première dans laquelle Robert Estienne ait fait usage de son bel italique, exécuté à l’imitation de celui d’Alde: Characteribus elegantissimis Italicos Aldi Manutij characteres proximè referentibus, dit-il de ce Cicéron dans plusieurs de ses Catalogues. Il y a joint les diverses scholies des éditions manutiennes sur lesquelles celle-ci est copié, sauf quelques rectifications ou changements dans les textes“ (Renouard). Cf. Elizabeth Armstrong: Robert Estienne Royal Printer. Cambridge: UP, 1954, p. 49 & A.F. Johnson: Type Designs: Their History and Development. 1934, p. 130. Updike: Printing Types. I, pp. 234-5 & 290: „His Italic he based, he admits, on the Aldine italic, and on examination there is a certain similarity, although it is much freer in effect, owing, among other things, to its sloping capitals. Garamond is nearer to Aldus in his italic than he is to Jenson in his roman. (...) a delightful unconventionality of design - free and spirited, yet noble; full of contrast and movement, yet with elegance and precision of line that marks them as French.“
Loin d'être "stéphaniste", je me permets de remarquer que ce livre fait partie d'une édition des Oeuvres de Cicéron en 9 vol. L'auteur de la notice n'a pas menti, mais...
Les Annales de l'imprimerie des Estienne, par Augustin Antoine Renouard, p. 57, sur google-livres.
Bonjour,
Je savais l'édition incomplète mais comme en l'occurrence j'achetais (presque rien) l'oeuvre (et, en l'espèce, une innovation importante de celle-ci)de Robert Estienne et non de Cicéron peu m'importait.
Par ailleurs, il ne s'agissait pas d'une notice mais d'une note ancienne sur le revers d'un plat.
Cordialement,
Olivier
Enregistrer un commentaire