« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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mardi 5 novembre 2013

Nécrologie - Salon du Livre de Champerret : The show must go on ?

Amis Bibliophiles bonsoir, 

Le salon du livre et papiers anciens, qui se tenait du 25 octobre au 3 novembre à l'espace Champerret, doit-il continuer ? Va-t-il continuer ? Par extension, ce type de salon a-t-il encore un avenir ?


Cette petite heure que j'y ai passé en compagnie d'un copain bibliophile m'a un peu fait songer à tout ça.  A l'heure ou l'on entend des rumeurs chez certains libraires de la difficulté à vendre les livres je m'étonne de la stagnation, voir de la dégradation, de l'ambiance générale du marché du livre et de son fonctionnement.

Certes Champerret est un salon particulier, tirant sur la brocante (à ciel fermée hélas), et l'on y trouve pas la même chose qu'au Grand Palais cela va sans dire, mais là n'est pas le problème. L'atmoshpère y était tellement morose que toute envie d'acheter se coupe en cinq minutes. Alors bon le lieu est immonde ça n'aide pas, tout le monde s'accorde à le penser si ce n'est à le dire, mais alors pourquoi persister ici ? La cohérence du salon est douteuse, les stands peu engageants à quelques exceptions près. Les allées semblaient bien vides ce dimanche...

Question : Les libraires rentabilisent-ils leurs stands ? 

Quel est réellement l'intérêt de cette manifestation ? Cela dynamise-t-il le marché du livre ? Cela ne le plomberait-il pas un peu au contraire ? La forme étant moyenne, le fond pas trop compréhensible... Ce qui est certain, c'est que je n'y retournerai plus jamais, et je doute que mon pote y pose à nouveau ses pompes également. Je n'ose penser ce que peuvent ressentir des visiteurs venant ici au hasard, mais y-en-a-t-il ? Non y'en a pas.

La vente du livre ancien (du bouquin à 50 euros à celui à 2 millions) est un business dont la forme stagne et ou chacun tire dans son coin, combien de temps ce système peut-il fonctionner en profitant au plus grand nombre ? Dans tous les cas je suis surpris que les libraires ne réfléchissent pas à des initiatives collectives originales, à un futur, à un autrement. 

Ce marché n'a aucun dynamisme et tourne en rond : libraires installés, clients installés, manifestations installées, à terme c'est purement suicidaire (trop long terme pour pousser à réagir ?).

Ce qui sauve le livre ancien c'est sa trésorerie. Celles des libraires (quelle qu'en soit la forme), des collectionneurs, des quelques institutions publiques qui achètent, de quelques entreprises privées. Les livres et leur valeur en euros vont de poches en poches mais il y a peu d'argent frais qui rentre dans ce marché dont le fonctionnement intrinsèque ressemble davantage à de l'échange et à du troc. Heureusement la trésorerie actuelle est énorme et permet donc encore de tourner en rond (nettement moins bien qu'il y a 20 ans pour certains types de marchandises). Mais pour combien de temps ?

Rien n'est fait (j'exagère ?) pour rendre attrayant cette niche qu'est le livre ancien, pour l'étendre un peu, la faire connaître, que sais-je. La clientèle est vieillissante... Je me demande comment les libraires envisagent l'avenir, comment ils voient leur boulot dans vingts ans. Après moi le déluge... ?

La vielle belle maison perd ses tuiles, et personne ne semble prêt à jouer collectif pour financer les travaux de restauration. A croire que chaque libraire pense qu'il est de ceux qui ne fermeront pas leurs portes, qui tiendront.  Car ce sont eux les principaux acteurs (théoriquement), c'est à eux que revient de faire bouger les choses, de rendre tout le tintouin un peu attractif.

Je donne deux ans de triste agonie au Salon de Champerret avant de mette la clé sous la porte. Ensuite, le tour à qui ?

D'ici à 2020 une nouvelle rubrique risque d'apparaître dans ce blog, et elle sera nécrologique : La liste des librairies et manifestations liées aux livres anciens qui, chaque année, disparaissent.

Si cela advient, et vu que les acteurs principaux de ce marché se croisent les bras et Ponce-Pilatisent depuis des années, et bien j'irais cracher sur leur tombes. 

Le Bibliophile D'Evian.

20 commentaires:

Chez les libraires associés a dit…

La rubrique nécrologique est déjà ouverte et les faire-parts vont se multiplier, à l'exemple de ce qui s'est passé à l'étranger (Allemagne, Pays-Bas, Belgique...).

Mais dans le même temps il apparaît, au moins en France, des choses très positives : c'est bien sûr le formidable pari du Grand palais, mais aussi le rebondissement de Lourmarin, ou par exemple le nouveau salon de la salle Olympe de Gouges, qui affiche complet...

Tout cela, c'est à dire l'avenir même des libraires d'ancien, est très fragile. Le jour où libraires et bibliophiles comprendront qu'ils n'ont rien à gagner à passer leur temps à râler et critiquer les initiatives de ceux qui se démènent pour évoluer,cela ira peut-être mieux ;-)

JD

PS : Pour notre part nous avons très bien travaillé à Champerret, avec des ventes nombreuses et variées, en dépit du climat peu favorable (impôts + congés !)et de l'organisation quelque peu erratique...

Anonyme a dit…

Il n'y a pas de S à j'irai cracher sur leurs tombes ...

X.

calamar a dit…

une nouvelle positive tout de même ! le Bibliophile d'Evian, tout pessimiste qu'il soit, voit un bel avenir aux blogs en général, et à celui-ci en particulier.

Hugues a dit…

Je suis passé sur ce "Salon". Je n'y étais pas allé depuis 10 ans, et pour de bonnes raisons... Je n'y retournerai plus, j'ai trouvé cela absolument déprimant.

J'ai acheté un livre... à un bibliophile que j'ai croisé sur place :)

Hugues

Pierre a dit…

J'ai l'impression que le risque le plus important pour la pérennité des salons (Le Grand Palais à part, nous sommes d'accord), c'est la disparition de nombreux forains qui se sont sédentarisés devant leur écran d'ordinateur.

Je pense, de mon côté, que c'est parce que la profession a évolué que certains salons vont disparaitre. La clientèle vieillissante que vous avez vu dans les travées de Champerret n'est pas la clientèle plus jeune que nous fréquentons sur un blog bibliophile, par exemple.

Il n’empêche que je suis ouvert à toute nouvelle idée, même géniale ! Pour info, je m'occupe de l'association des commerçants de ma cité [ACAT] depuis 3 ans et je constate que l'incertitude sur l'avenir du commerce forain ou en boutique est le même.

Beau billet, néanmoins ;-)) Pierre

Textor a dit…

Si vous n'avez pas encore le cafard en Novembre, il suffit d'aller à Champerret ! Je n'y vais plus depuis deux ans mais je n'y trouvais plus rien depuis longtemps. Il faudrait que les libraires comprennent que leurs ventes dépendent de leur compétence, de l'ambiance des lieux et de la présentation de leur offre. Déserter son stand pour passer sa journée à taper le carton au milieu d'une allée cela n'aide pas ... C'est même se moquer un peu de la clientèle...
Textor

Daniel a dit…

Avec le bibliophile déviant les libraires doivent marcher droits ;)).

Dans la dernière phrase je relève une incohérence, "les acteurs pricipaux de ce marché se croisent les bras" non, les acteurs principaux ou en devenir sont justement ceux qui ne se croisent pas les bras, qui font bouger les lignes, qui utilisent des nouveaux supports, des nouveaux évenements, qui respectent l'éthique et ne font pas que l'écrire dans leurs statuts,etc Les autres effectivement pourraient bien disparaitre, comme dans toute activité commerciale où seuls les plus performants subsistent.

Daniel B.

sebV a dit…

Billet que dont je partage l'intégralité des interrogations.
Et notamment : "Dans tous les cas je suis surpris que les libraires ne réfléchissent pas à des initiatives collectives originales, à un futur, à un autrement."

Très dur de monter des initiatives collectives dans ce milieu. Chacun essayant de faire ce qu'il peut dans son coin en se disant que si il trouve la bonne idée il s'en sortira.
Et puis si la population de bibliophiles est vieillissante celle des libraires aussi, ce qui amène sa dose de "vieux-conisme" et de "c'était-mieux-avant". Comme en politique en dessous de 40 ans on est un blanc-bec qui ne connait rien à rien, ça ne favorise pas l'éclosion de nouvelles idées...

Billet qui devrait être envoyé à la liste de diffusion du slam...

Léo Mabmacien a dit…

intéressante question. Juste pour ce salon, il suffit de jeter un oeil sur l'affiche pour ne pas vouloir y aller. Je pense que ce genre de salons va disparaître et qu'il ne restera que les plus importants/dynamiques...
Une petite idée aux organisateurs :
associer à des professionnels des stands de vendeurs particuliers et élargir aux livres en général.
Sinon personnellement j'achète presque tout sur Internet, je vais rarement en librairie où l'accueil est bien souvent glacial...
Léo

Chez les libraires associés a dit…

"Accueil glacial" ??? Si vous arrivez avec une attitude normale, vous serez très bien accueilli dans 90 % des librairies, même si vous dites par exemple que vous n'avez pas les moyens d'acheter le livre que vous aimeriez voir. Après, il y a des mauvais coucheurs partout, et le quotidien n'est pas toujours rose pour les petits commerces. Mais si vous manifestez preuve d'une vraie curiosité vous découvrirez que l'achat de livres cela peut être autre chose que ce que vous vivez sur Internet.
PS : les particuliers, vous les avez déjà sur Abebooks, Ebay et les vide-greniers. Pitié...

Léo Mabmacien a dit…

pardon, mais je me suis mal exprimé par "l'accueil glacial" : en fait cela regroupe plusieurs choses qui font que le jeune amateur (amatrice) de livres anciens aura du mal à rentrer dans une librairie d'ancien habituelle (je ne parle par des Libraires associés dont je ne connais pas la librairie physique):
- décor impressionnant très ancien régime
- classement hermétique
- horaires réduits
- prix impressionnants
- livres chers dans des vitrines fermées ou derrière le libraire
- pas de rangement
etc..

Je sais que j'y vais un peu fort mais j'ai souvent ressenti ce malaise en rentrant dans une librairie ancienne (je ne donnerai pas de noms).

Il faudrait essayer avec des adolescents et noter leurs impressions... Après, j'ai l'impression que dans la bibliophilie, il faut être accepté, on ne rentre pas dans le cercle fermé de suite...Mes premiers livres anciens ont été achetés dans des endroits comme Emmaüs et sur des brocantes... : des lieux beaucoup plus ouverts pour un jeune qu'une librairie ancienne traditionnelle...

Pour internet : au contraire de ce que vous dites,je crois que la bibliophilie a tout à y gagner car elle permet de faire connaître le livre ancien à d'autres personnes qui ne seraient pas venues dans une librairie d'anciens, de vendre des ouvrages de niche ou anciens partout dans le monde et de transformer la vision que l'on a de la librairie d'anciens. L'avenir est de toute façon à la vente à distance...

Pour les particuliers ce n'est qu'une idée mais je trouve qu'elle est intéressante : peu de gens possèdent des livres anciens ou très rares, les particuliers présents permettraient de faire venir d'autres personnes et de ne pas concurrencer les professionnels si vous pensiez à cela. Il faut y réfléchir : les brocantes marchent très bien...

Cordialement
Léo

Daniel a dit…

La réalité est dans les chiffres de visites. J'ai fait du marché hebdomadaire, quelques salons et marchés régionaux, je reçois avec plaisir mes clients sur rendez vous et de manière assez cordiale j'espère. Mais sur internet, vous mettez un bon livre en vente sur un site hebergeur bien référencé et en une semaine vous avez entre 400 et 800 visiteurs différents sur l'annonce de ce livre et au bout de la semaine le livre est vendu (pas toujours quand même).Internet permet avec une moindre énergie, la découverte d'une nouvelle clientèle, et vice versa permet à la clientèle de découvrir des nouveaux libraires. Si le libraire fait simplement son travail de manière fiable, honnete et correcte, cette clientèle est assez fidèle sur le net, et peu basculer ensuite vers la librairie physique en venant parfois de loin vous rencontrer, échanger et bien sur acheter en avant première des livres qui ne sortiront jamais sur le net. Sans trop me tromper je pense que 80 % des clients que je connais physiquement et qui viennent en mes locaux, ont fait leur premier achat sur le net et nous nous sommes rencontrés ensuite.

Daniel B.

Chez les libraires associés a dit…

@ Leo

Merci pour votre réponse.

Particuliers : ce n'est pas une question de concurrence, mais de service et de fiabilité. On pourrait très bien, à cet égard,comparer les libraires aux autres petits commerçants et artisans.

Votre conclusion est révélatrice : "les brocantes marchent très bien". Justement, non : les meilleurs salons de brocante se sont cassés la figure ou ont disparu. Le marché ne tient plus que par la "pompe" : les copies, les "à la manière de", se vendent plutôt bien, à une clientèle qui n'a plus de repères. La marchandise classique, de bonne qualité, ne vaut plus rien. La plupart des bons professionnels ont été éliminés, sauf ceux qui sont montés en gamme (luxe, voire grand luxe).

Pour notre part nous espérons encore que la librairie a un autre avenir que celui-là.

Anonyme a dit…

les nouvelles generations s’intéressent moins à l'histoire.

Et lorsqu'elles s'intéressent aux livres, elles savent très bien se fournir à la même source que les libraires : les svv

jlp

Léo Mabmacien a dit…

@libraires associés

d'accord avec vous, je parlais plutôt des brocantes où l'on trouve de tout... c'est juste une piste, cela marche toujours très bien... Je pensais à un marché du livre avec pros et particuliers pour redynamiser le tout... Je sais que cela se fait pour un salon du livre contemporain...
à voir

Léo

Eric Zink a dit…

Je n'expose pas à Champerret essentiellement pour les raisons de forme qui ont été ici présentée et aussi car je le trouve trop long.
Ceci dit, cette forme plait à une certaine clientèle. Certains viennent pour s'encanailler, d'autres cherchent le chopin et l'imaginent plus facile dans ce type de salon.
On peut discuter de la forme. Que faut-il ? De la vente sur correspondance avec catalogue luxueux ou juste sur internet, des salons/brocantes, des grand salons ?
Pour ma part je soutiens activement le salon Olympe de Gouges, qui est à mon avis le salon qui manquait à Paris. Mais tant que je pourrai me le payer je participerai aussi au grand palais qui reste l'événement mondial du livre ancien. On ne peut pas dire, sur ce point, que la profession n'est pas capable de se mobiliser.

Sur le fond : trouve-t-on des livres à Champerret ?
J'y suis passé le samedi et ai passé le temps qu'il fallait à tous les stands.
Et bien oui, on en trouve !
Au final, de nombreux achats.

Eric

Lauverjat a dit…

Juste remarque Eric, « le temps qu’il fallait ». Je ne suis pas allé à Champerret cet automne, moins étendu que d’habitude m’a-t-on dit. Mais lors de précédentes éditions, j’ai parfois trouvé des choses véritablement uniques.
Je trouve étrange qu’un amateur entre sur un stand et demande un ouvrage sur un sujet excessivement précis, sans aucune chance d’ailleurs et n’explore pas plus avant les livres proposés par le libraire. Voir des livres et encore des livres permet justement de découvrir ceux qu’on ne connaît pas encore et qu’on n’aurait pas cherchés. Il faut du temps, ça tombe bien, c’est une passion.

Lauverjat

Anonyme a dit…

Certains bibliophiles pour ne pas dire beaucoup ne manquent pas d'argent mais de curiosité ... hélas ! et c'est également valable pour les libraires. Comme ça tout le monde est content.

X-men

Anonyme a dit…

J'ai, en tant que libraire, déserté Champeret depuis bien longtemps, pas pour des raisons de chiffre d'affaires, il était bon à cette époque, mais en raison du lieux, cette salle lugubre et "basse de plafond" me donnait le cafard.. Je me suis rendu compte que mon attitude était contre productive, une mauvaise publicité pour mon petit commerce. Cependant je ne me vois pas tirer sur l'ambulance, l'organisateur est un des rares à faire son travail comme il faut, peut-être y a-t-il mieux à faire? Des choses à inventer? Une communication plus "moderne"? Dans le tout petit monde du livre ancien, j'ai souvent entendu des critiques mais jamais de suggestions...
Michel.

Chez les libraires associés a dit…


Nous parlions des brocantes, mais les antiquaires ne sont pas épargnés :
"Quand les antiquaires ferment. Une langue meurt lorsqu’elle n’est plus parlée, une civilisation disparaît lorsqu’elle n’est plus habitée. Une révolution culturelle est en marche."
http://www.valeursactuelles.com/quand-antiquaires-ferment20131106.html

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