« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

frise2

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lundi 29 septembre 2014

Un Songe de Poliphile de 1600 à 372 euros, un Ambroise Paré de 1575 à 1400 euros: au royaume des aveugles, les tarés sont rois

Amis Bibliophiles bonjour,
 
Ce qu'il y a de bien avec encheresbibliophiles.fr, c'est que c'est vous qui faites tout le travail. Par exemple, ce Poliphile, je ne l'avais pas vu apparaître sur ebay, comme le Paré C'est en consultant le site que je les ai découverts, un peu perdu au fin fond du classement pour le Poliphile, d'ailleurs.
 
Ils avaient tout pour plaire pourtant:
 
Pour le Poliphile: intérieur  en bon  état d'usage, quelques anciennes tâches d'humidité ici et là, couverture dans son état d'usage...
dimension : 26 cm x 19 cm, 154 feuillets pour 308 pages
mais 43 feuillet soit 86 pages et la page de titre sont des fac-similés
orné de 105 gravures et nombreuses vignettes sur bois d'époque  (les fac-similés ne sont pas comptés)
4 pages réparées et quelques pages dont la marge est rognée
la couverture n'est pas d'époque
Simple et efficace. Le vendeur n'est pas connaisseur.
  




 
Pour le Paré: Les OEUVRES de M. Ambroise Paré, conseiller, et premier chirurgien dy Roy, avec les figures & portraits tant de l' Anatomie que des inftruments de Chirurgie, & de plusieurs Monftres, le tout divifé en vingt fix livres, comme il eft contenu en la page fuyvante à Paris chez Gabriel Buon, année 1575 avec  [10] ff. n. ch. 946 p., et [22] ff. n. ch.: illustré d'un portrait de l' auteur et 300 figures sur bois in folio....
L' exemplaire est réglé, il comporte bien le rare portrait et "le sonnet de Pierre de RONSARD".
Pleine reliure veau ayant subit les usages du temps et de la servitude : plats frottés se détachant du dos qui est absent, coins arrondis, les nerfs sont présents et retiennent l' ensemble. Page de garde, page de titre, premier feuillet, page 817, moitie de la page 931 et 8 feuillets de table manquants, les 7 premiers feuillets se détachent, les pages ont quelques fois de légères mouillures, des salissures, quelques traces d' humidité....
 


  
Au final, à l'issue des enchères, le Poliphile a atteint 372 euros et le Paré 1387 euros. Ce qui me laisse dubitatif, mais alors vraiment dubitatif.
 
En fait, je ne comprends pas pourquoi acheter ce type d'ouvrage, si ce n'est peut-être pour les débiter en pièces, les dépecer pour en restaurer d'autres. Si ce n'est pas le cas, quel plaisir peut-on trouver à acquérir des ouvrages aussi mal en point. Je préfère de très loin, pour ma part, des ouvrages moins rares, peut-être, mais en meilleur état...
 
Et vous?
 
H
 

25 commentaires:

Anonyme a dit…

Je peux comprendre pour le Paré très rare de 1575, car il est globalement sain sur le corps d'ouvrage, placé dans les mains d'un restaurateur professionnel et adroit, il y a page de titre, premier feuillet, page 817, moitie de la page 931 a refaire en fac similé ou a récupérer sur un exemplaire encore plus malade, soit 4 feuillets. On peut se passer des tables mais pour les tables seulement 8 feuillets de plus soit 12 feuillets à refaire au total pour un "livre complet" facile ;)) . Les plats sont beaux, il faut refaire un dos dans le style et restaurer les plats. Coût de la restauration, du lavage de quelques feuillets (les premiers et derniers), du vieillissement des fac-similés éventuelles et de leur insertion, probablement entre 1000 et 2500 euros suivant le restaurateur, pour un bel exemplaire parfaitement présentable dont un œil non exercé ne saura distinguer que le dos n'est pas d'époque. Coût total maxi de l'exemplaire 3887 euros. Un Paré de 1575 en parfaite condition en signalant objectivement les restaurations se vendrait combien ? vers 8000 euros peut être plus? et moins éthiquement sans signaler les restaurations ? sans doute encore beaucoup plus $$$$$ CQFD

Si un particulier l'a acheté ce n'est donc pas forcément stupide.

Si c'est un pro, peut être devrions nous surveiller dans les mois à venir si un Paré de 1575 ne sort sur le marché ! Cela rappellerait quelques divins souvenirs évoqués sur ce blog. ;))

Pour l'autre il semble vraiment irrécupérable, a part pour compléter un autre exemplaire je ne vois pas.

Après, je suis d'accord avec vous Hugues que je préférerais trouver un Paré moins rare à peine plus tardif en bon état pour un prix équivalent de 3000 ou 4000 euros.

Un anonyme que vous aurez sans doute reconnu

Anonyme a dit…

Pardon pour le hors-sujet, mais mon ami google me signale un article sur les reliures en peau humaine, qui pour une fois ne semble pas pompé sur ceux du Blog du Bibliophile !
Désolé je ne maîtrise pas assez les balises html pour créer le lien !

http://french.ruvr.ru/2014_09_28/Les-livres-relies-en-peau-humaine-l-horreur-des-lecteurs-1170/

Anonyme a dit…

Je crois qu'à nouveau se pose ici la question de ce qu'est la bibliophilie. C'est surtout cela le problème.

Peut-on être bibliophile en achetant un incomplet?
Si à titre personnel, les seuls volumes incomplets (du texte j'entends) que j'achète, c'est un titre précis, pour refaire des exemplaires complets (pour ma collection), je comprends qu'on puisse se contenter d'un exemplaire incomplet ou complété.

En tant que libraire, j'ai déjà vendu de nombreux livres incomplets ou complétés de quelques feuillets, et encore un cette semaine. Ceux qui me les achètent sont souvent des bibliophiles français aux moyens modestes qui se font un petit plaisir ou qui savent que s'ils achètent l'exemplaire parfait, ils ne pourront plus rien acheter.

Ce n'est pas forcément non plus une question d'investissement, comme ce Paré. Il sera probablement une belle pièce d'une bibliothèque privée et restera dans cette état. Pièce imparfaite, certes, mais belle pièce.

Si un livre complet est votre base (et la mienne à une exception près), elle ne l'est pas pour tous les bibliophiles. Il suffit de regarder le marché de l'incomplet pour s'en rendre compte. Je vends (prix de vente réel, pas affiché) les beaux livres incomplets entre le tiers et la moitié du prix qu'on pourrait trouver pour un exemplaire similaire mais complet du texte. Et aux enchères en salle, on est parfois étonné des prix de vente, surtout´quand on sait que des marchands achètent à des prix soutenus.

Anonyme a dit…

... hormis le cas des faiseurs de miracle qui avec deux bouts de vieilles choses parviendront à faire un ouvrage vendable, je pense qu'il ne faut pas juger les acheteurs et encore moins les traiter de "tarés"... chacun a ses motivations, chacun trouve son plaisir où il veut et où il peut... à chaque amateur son plaisir... à chaque bibliophile sa bibliothèque... un livre n'est pas un timbre auquel il ne doit surtout pas manquer une dent... car tout livre ancien a son histoire...
Xavier (qui pour pourtant pour rien au monde n'achèterait un ouvrage ayant l'air de sortir d'une machine à laver ou d'une bétonneuse)

Hugues a dit…

Xavier,
Taré est un mot communément employé pour qualifier des ouvrages incomplets ou présentant des tares.
Dans le titre de cet article, il n'est pas destiné aux personnes achetant ces ouvrages.
Hugues

Anonyme a dit…

Cher hugues, le mot taré quand il n'est pas utilisé pour signifier le poids de l'emballage d'une marchandise ou le poids mis dans le plateau d'une balance, signifie le plus souvent, pour le commun des mortels,quelqu'un de fou, ridicule ou stupide.
Méfions -nous du poids des mots même s'ils sont insignifiants quand ils sont excessifs!
André

Hugues a dit…

Rien d'excessif ici cher André, de la sémantique propre aux... bibliophiles...
Hugues

Bibliophile a dit…

Et que nous dit le Littré?
taré, ée [1]
part. passé (ta-ré, rée de tarer
1. Qui est affecté de tare. Marchandise tarée Fruits tarés.
Cheval taré, cheval qui présente des défectuosités résultant d'un accident ou d'une opération ; exemples : cicatrices au genou, suite de la cautérisation de la peau par le fer rouge.

Le sens de "fou", "stupide", n'est que le sens figuré.

Des livres tarés donc, en effet.

Un bibliophile :-)

Anonyme a dit…

barré l’amateur de Paré taré ?! :-)

Un bibliofada

Anonyme a dit…

"Item, parce qu'en icelluy temps on ne mettoit en religion des femmes sinon celles que estoient borgnes, boyteuses, bossues, laydes, defaictes, folles, insensées, maleficiées et tarées, ny les hommes, sinon catarrez, mal nez, niays et empesche de maison.", Rabelais, 1534, Comment Gargantua fit bâtir pour le moine l'Abbaye de Thélème

Supion

Anonyme a dit…

Il est vrai qu'à la lecture du titre, je m'étais dit : "Hugues va recevoir un message de quelqu'un qui n'aura pas compris ce que désigne un "taré" dans notre jargon". Certes. Il aurait fallu écrire "exemplaire taré"...

Mais : si on ne peut plus jargonner ici, alors où mes bons amis ???

B.

Anonyme a dit…

ok... jeu de mots tôt vaut mieux que jeu de mots tard...
j'ignorais le terme...
Xavier

Hugues a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Hugues a dit…

Cher B,
Et si j'avais fait exprès pour réveiller un peu les commentaires? :)
Hugues

Daniel a dit…

Ebay n'est pas une exception, mais le reflet du marché. à la dernière vente publique de Villefranche le 27 septembre un Lancelot du lac gothique fançais de 1503 par Antoine Verrard tiers volume seul 26 feuillets manquants dont toutes les gravures, feuillets refaits en horribles photocopies glacées , même pas remisent au format. Estimé 1000/1500 adjugé 800 euros plus frais soit 1000 euros environ. 18 feuillets passage d'un coran manuscrit certes historique mais plus qu'incomplet ! , 40000 euros hors frais. Avec la raréfaction de l'offre sur les manuscrits et les beaux incunables et post-incunables, les bibliophiles deviennent forcément beaucoup moins exigeants ou ne toucheront plus de livres de cette époque sauf grosse fortune ! En caricaturant, personne ne rirait d'un bibliophile achetant même très cher une bible à 42 lignes incomplète, il est probable que le phénomène se propage dans les décennies à venir à tous livres antérieurs à 1520, voir antérieur au XVIe pour les livres à gravures d'architecture ou de médecine. Les livres parfaits devenant totalement inaccessibles aux revenus médians. Bien sur on peut toujours avancé une deuxième hypothèse qui serait une grande décroissance du nombre de bibliophiles et donc plus d'offre que de demande et chute des cours, ce sera peut être vrai pour le XVIIIe XIXe ou c'est déjà vrai, mais pour les débuts de l'imprimerie je n'y crois pas. ? Et vous, qu'en pensez vous ?

Daniel B.

Anonyme a dit…

Cher Daniel, surveillez votre orthographe que diable, nous sommes ici en terres de bibliophilie, donc de mots justes et accordés ! (sinon, je suis assez d'accord avec votre diagnostic ;-)
B.

Anonyme a dit…

Je me suis permis cette remarque car habituellement votre français est parfait hein !

Anonyme a dit…

Ouvrez vos livres, cher B., plongez dans vos marocains, et régalez vous des orthographes passées:

Si iamais rochers et bois
Ma force dans soy sentirent
Si sous ma vois, sous mes dois
S'arrachans ils me suiuirent
Suiués rochers, et auecq'vostre Orphee
Admirés moy d'vn grand Roy le Trophee


Jodelle, Le Recueil des Inscriptions , 1558.

Supion

Anonyme a dit…

Votre remarque cher Supion, m'évoque une question que je n'ai jamais su régler vraiment : maroquins / marocains... Pour ma part, j'ai toujours écrit "maroquin" mais je constate qu'une certain nombre de gens, dont des libraires confirmés, optent pour "marocain"... Peaux d'origine marocaine... ? Si un spécialiste a le fin mot de l'histoire, je serai heureux de m'instruire...

Anonyme a dit…

« Marocain » était un peu provocateur, mais si tentant ... Je crois qu’on en a déjà parlé sur ce blog.

MAROQUIN Dérivé de Maroc, probablement par l'intermédiaire de l'espagnol marroqun «cuir» (fin XVIe s. dans le Diccionario de Autoridades), car ce sont les Arabes qui ont apporté la technique du cuir en Espagne.

Le "Trésor de la langue française" (qui me régale) atteste maroquin dès 1479 : peaulx de maroquins, «peau de chèvre tannée avec du sumac ou de la noix de galle».

Et aujourd’hui ? Essayons : « Le taré avait perdu son manteau en maroquin, on lui voyait le dos et les nerfs étaient à vif». Ça fait peur, non ?

Supion

Daniel a dit…

Je n'ai jamais eu la prétention d'être comme Estienne, et de suspendre des commentaires exempts de fautes afin que vous les corrigiez, j'en suis bien incapable. Ceci ne m'empêche pas d'aimer les livres, sans doute ne me le rendent-ils pas ! J'aurais préféré des commentaires sur le fond que la forme, mais c’est ainsi. C'est avec ce type de remarque que nous risquons d’avoir de moins en moins de commentaires sur un blog, qui va encore oser écrire dans les jeunes générations ? C'est quand même bien connu que les ouvrages de bibliophilie les plus recherchés sont souvent de l'édition originale fautive de premier tirage avant correction. Dans le prochain commentaire j'essaierai de faire une heureuse faute. Felix Culpa. ;)

Daniel B.

Anonyme a dit…

Désolé Daniel, difficile d'être taquin par écrit... J'admire votre boulot, vos livres, je fais partie de vos clients depuis les tout premiers jours... Je reviens à "marocain", que j'ai sous les yeux dans les catalogues de deux libraires (dont un régulièrement expert dans une salle de province pendant des années), les deux adhérents SLAM/LILA... Je l'ai aussi vu dans un catalogue des années 40, je ne sais plus chez qui... Bizarre pour moi, j'ai toujours écrit et pensé "maroquin"... Bref !
B.

Pierre a dit…

J'ai bien "en vue" un Paré complet en bel état à un prix raisonnable mais son propriétaire m'a demandé d'attendre sa disparition pour que son fils s'en charge...

http://livresanciens-tarascon.blogspot.fr/2014/02/les-uvres-dambroise-pare-un-succes.html

Le bonhomme qui va avoir 80 ans a cependant un gros défaut : il est en excellente santé et comme c'est un ami, je souhaite que cela continue !

Donc, un "Paré" à ce prix, ça me parait cohérent mais c'est difficilement revendable... Pierre

Anonyme a dit…

Je crois que pour marocain c'est tout simple, tant que des stagiaires feront des fiches de catalogues et que ces fiches seront à peine relues en diagonale par les experts, on trouvera de temps en temps des marocains, après pour se justifier facile de sortir une théorie fumeuse sur la peau en provenance du Maroc, ce qui est vrai mais fait rire c'est maroquin depuis le XVe, on peut toujours justifier un petit grain, ou un gros, quand il est écrit marocain c'est qu'il est plutôt à petites mains, qu'à petit grains ;))

Anonyme a dit…

Les libraires trouvent encore des stagiaires ??? (ce serait bon signe et me réjouirait - la dernière que j'ai croisée était charmante, mais était là un peu par accident, parce qu'il fallait faire un stage dans son cursus et que le père de son petit ami était libraire d'ancien !)
B.

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