Amis Bibliophiles Bonsoir,
Cohérence...
Le mot est simple, c'est un argument qui simple évident quand on veut estimer une bibliothèque. Le débat autour de la bibliothèque napoléonienne de Dominique de Villepin m'a fait réfléchir à cette idée. Vous êtes plusieurs à avoir exprimé que ce qui caractérise le bibliophile, et le distingue du simple spéculateur par exemple, c'est la cohérence de sa bibliothèque. En même temps, si on y songe, qu'y a-t-il de plus subjectif, et à partir de quand cohérence peut-il rimer avec manie ou obsession?
En clair, une bibliothèque est elle estimable parce qu'elle est cohérente? Un bibliophile est-il respectable parce que sa démarche est cohérente? Est-ce seulement un signe de bibliophilie?
Hier encore j'aurais dit oui, aujourd'hui, je ne sais plus. En effet, ce qui sera cohérent pour l'un d'entre nous sera incompréhensible pour d'autres. Exemple : que pensera un bibliophile amateur d'ouvrages de botanique d'un autre bibliophile qui vient de lui arracher un ouvrage de botanique, simplement parce qu'il est 18ème, et que ce deuxième amateur se passionne pour ce siècle, achetant des ouvrages de thèmes divers. On peut se spécialiser et développer une cohérence dans des domaines extrêmement divers : sujets particuliers bien sûr (livres sur le Dauphiné, livres sur Napoléon, etc, mais aussi qualité (du maroquin seulement svp), rareté, beauté, reliure, iconographie, origine (relieur, imprimeur, anciens possesseurs, etc.).
L'un va se spécialiser dans les voyages vers le Nouveau Monde, l'autre dans les éditions originales de Baudelaire, le troisième dans les ouvrages illustrés par Romeyn de Hooghe (peu importe le thème), un quatrième dans les reliures de Lortic qu'il recouvrent des Elzevirs ou des illustrés 19ème, un autre dans les ouvrages sur l'Alsace, un dernier dans les utopies. Dans une vente, on risquera de voir l'amateur de Lortic disputer un Romeyn de Hooghe avec un amateur, qui lui se battra avec un autre amateur d'utopies, etc.
La notion de cohérence est donc toute relative, et extrêmement vaste... au point qu'on ne puisse la juger. Je me demande si nous devrions pas simplement parler de bibliothèques spécialisées ou thématiques, parce qu'à part pour les pan-bibliophiles, chaque bibliothèque à sa cohérence propre, ne serait-ce que parce qu'elle est le fruit des efforts d'un bibliophile. Même si elle déclenche l'incompréhension de ses camarades? Finalement, hétéroclite ne signifie pas forcément incohérent. C'est d'ailleurs l'un des charmes de la bibliophilie je trouve, qu'un amateur qui ne recherche que des Alde, puisse partager sa passion avec un cazinophile, un amateur qui ne rassemble que des éditions de Paul et Virginie (comme le fît Tristan Bernard), etc. Christian Galantaris, dans son Manuel de Bibliophilie présente même deux amateurs qui ne recherchaient que des ouvrages dont le nom de l'auteur commençait par un B, ou dont le prénom était Jules.
Le plus important, comme l'écrit d'ailleurs Vanderem, reste d'avoir une idée directrice, qui permet de borner le champ de ses recherches. Pas parce que cela donnea une bibliothèque cohérente, mais parce que cela permettra au bibliophile d'approfondir ces connaissances, plutôt que d'essayer de "tout savoir".
Si vous veniez demain chez moi, vous découvririez des utopies, des voyages, des reliures, de la littérature, de l'ésotérisme et d'autres ouvrages encore. Un ensemble incohérent aux yeux du profane, et pourtant pour moi, d'une cohérence absolue. Parce que c'est moi, parce que ce sont eux.
Finalement, à mes yeux, le plus important c'est que ma bibliothèque se construise à mon image, avec mes goûts, éclectiques, et suivant mes évolutions. La cohérence globale n'est pas importante, parce que tout ceci sera peut-être totalement abscons pour mon voisin, d'ailleurs.
La cohérence ne serait donc pas synonyme de bibliophilie. Elle peut parfois l'être, parfois non, et c'est en tout cas une notion très subjective. Trop? Qu'en pensez-vous? Débat!
H
A prendre en compte : "Logic is the beginning of wisdom; not the end." - Spock, ST IV.
Cohérence...
Le mot est simple, c'est un argument qui simple évident quand on veut estimer une bibliothèque. Le débat autour de la bibliothèque napoléonienne de Dominique de Villepin m'a fait réfléchir à cette idée. Vous êtes plusieurs à avoir exprimé que ce qui caractérise le bibliophile, et le distingue du simple spéculateur par exemple, c'est la cohérence de sa bibliothèque. En même temps, si on y songe, qu'y a-t-il de plus subjectif, et à partir de quand cohérence peut-il rimer avec manie ou obsession?
En clair, une bibliothèque est elle estimable parce qu'elle est cohérente? Un bibliophile est-il respectable parce que sa démarche est cohérente? Est-ce seulement un signe de bibliophilie?
Hier encore j'aurais dit oui, aujourd'hui, je ne sais plus. En effet, ce qui sera cohérent pour l'un d'entre nous sera incompréhensible pour d'autres. Exemple : que pensera un bibliophile amateur d'ouvrages de botanique d'un autre bibliophile qui vient de lui arracher un ouvrage de botanique, simplement parce qu'il est 18ème, et que ce deuxième amateur se passionne pour ce siècle, achetant des ouvrages de thèmes divers. On peut se spécialiser et développer une cohérence dans des domaines extrêmement divers : sujets particuliers bien sûr (livres sur le Dauphiné, livres sur Napoléon, etc, mais aussi qualité (du maroquin seulement svp), rareté, beauté, reliure, iconographie, origine (relieur, imprimeur, anciens possesseurs, etc.).
L'un va se spécialiser dans les voyages vers le Nouveau Monde, l'autre dans les éditions originales de Baudelaire, le troisième dans les ouvrages illustrés par Romeyn de Hooghe (peu importe le thème), un quatrième dans les reliures de Lortic qu'il recouvrent des Elzevirs ou des illustrés 19ème, un autre dans les ouvrages sur l'Alsace, un dernier dans les utopies. Dans une vente, on risquera de voir l'amateur de Lortic disputer un Romeyn de Hooghe avec un amateur, qui lui se battra avec un autre amateur d'utopies, etc.
La notion de cohérence est donc toute relative, et extrêmement vaste... au point qu'on ne puisse la juger. Je me demande si nous devrions pas simplement parler de bibliothèques spécialisées ou thématiques, parce qu'à part pour les pan-bibliophiles, chaque bibliothèque à sa cohérence propre, ne serait-ce que parce qu'elle est le fruit des efforts d'un bibliophile. Même si elle déclenche l'incompréhension de ses camarades? Finalement, hétéroclite ne signifie pas forcément incohérent. C'est d'ailleurs l'un des charmes de la bibliophilie je trouve, qu'un amateur qui ne recherche que des Alde, puisse partager sa passion avec un cazinophile, un amateur qui ne rassemble que des éditions de Paul et Virginie (comme le fît Tristan Bernard), etc. Christian Galantaris, dans son Manuel de Bibliophilie présente même deux amateurs qui ne recherchaient que des ouvrages dont le nom de l'auteur commençait par un B, ou dont le prénom était Jules.
Le plus important, comme l'écrit d'ailleurs Vanderem, reste d'avoir une idée directrice, qui permet de borner le champ de ses recherches. Pas parce que cela donnea une bibliothèque cohérente, mais parce que cela permettra au bibliophile d'approfondir ces connaissances, plutôt que d'essayer de "tout savoir".
Si vous veniez demain chez moi, vous découvririez des utopies, des voyages, des reliures, de la littérature, de l'ésotérisme et d'autres ouvrages encore. Un ensemble incohérent aux yeux du profane, et pourtant pour moi, d'une cohérence absolue. Parce que c'est moi, parce que ce sont eux.
Finalement, à mes yeux, le plus important c'est que ma bibliothèque se construise à mon image, avec mes goûts, éclectiques, et suivant mes évolutions. La cohérence globale n'est pas importante, parce que tout ceci sera peut-être totalement abscons pour mon voisin, d'ailleurs.
La cohérence ne serait donc pas synonyme de bibliophilie. Elle peut parfois l'être, parfois non, et c'est en tout cas une notion très subjective. Trop? Qu'en pensez-vous? Débat!
H
A prendre en compte : "Logic is the beginning of wisdom; not the end." - Spock, ST IV.
19 commentaires:
Bonsoir à tous,
Bien que vous ayez raison, cher Hugues, de souligner que la cohérencee est une notion relative, de mon point de vue, on ne peut mettre sur le même plan une bibliothèque dont la cohérence repose sur les seules inclinations de son propriétaire et une bibliothèque qui obéit à un plan résolu, que tous les bibliophiles reconnaîtront. La vente de la 1ère donnera lieu à un de ces innombrables catalogues "Bibliothèque d'un amateur", à mes yeux un peu fastidieux (surtout quand cet amateur reste anonyme); la deuxième donnera lieu à un catalogue thématique qui, dans une certaine mesure, deviendra elle-même une référence.
Pour être plus concret, j'évoquerai mon cas personnel: mes moyens étant ce qu'ils sont, et la masse de livres existant étant aussi ce qu'elle est, je me suis restreint progressivement à deux grands domaines (classiques latins illustrés du XVIIIe d'une part; oeuvres d'un écrivain du xxe d'autre part) qui, en elles-mêmes, me font parcourir, comme vous l'avez dit, bien des domaines de la bibliophilie. Il existe, évidemment, des livres qui m'intéressent en dehors de ces deux domaines; mais, sauf exception, je me refuse à les acheter, et me contente de les consulter en bibliothèque. Je me suis d'ailleurs séparé des quelques ouvrages qui s'éloignaient trop de ces catégories, finissant par les considérer comme des taches, alors même qu'ils avaient en eux-mêmes une grande valeur (par ex., la 1ère éd. des Voages de Gulliver illustrée par Grandville, dans une reliiure signée Capé).
J'ajoute d'ailleurs que j'ai grand plaisir à consulter des bibliographies thématiques sur des domaines qui me sont toalemnt étrangers (la pêche, l'égypte), alors que les catalogues "variés", même les plus superbes (Sourget...) m'attirent moins.
Voilà un point de vue peut-être buté et réducteur, mais que je conserve !
Guillaume
P.S.: Je m'en veux d'avoir oublié, parmi ces bibliographies spécialisées, certain site consacré au Dauphiné, que j'admire grandement.
Guillaumus
Je suis absolument d'accord avec Guillaumus sur ça: "j'ai grand plaisir à consulter des bibliographies thématiques sur des domaines qui me sont toalemnt étrangers (la pêche, l'égypte), alors que les catalogues "variés", même les plus superbes (Sourget...) m'attirent moins."
Pour le reste, je n'ai pas du tout la même approche, mais il est vrai que, comparé à lui, je suis un "bleu" et mon expérience est beaucoup plus limitée.
Il y a des thèmes canoniques (cartonnages romantiques, erotica, belles reliures, ouvrages grecs, etc.), et il y a des gens qui collectionnent des choses qui peuvent sembler totalement improbables... J'ai tendance à préférer les collections qui sortent des sentiers battus: on y découvre et on y apprends plus de choses.
Je n'ai pas beaucoup de livres anciens, mais si je regarde mon rayonnage je trouve: un livre d'heures du XVIIe dans une reliure de luxe (malheureusement abimée), un manuel de civilité du XVIIIe pour les enfants dans une couvrure en parchemin, une petite bible du XVIIe, une édition de virgile du XVIIe siècle aussi. Ca n'a pas l'air cohérent, n'est-ce pas? Et pourtant: le livre d'heures - entièrement gravé - est d'une superbe calligraphie, le manuel de civilité est imprimé en caractères de civilité, la bible est imprimée en caractère minuscules et le Virgile (malheureusement sans frontispice) est imprimé avec les caractères de Pierre Moreau. C'est l'écriture qui m'intéresse. Et pourtant, ces différents livres, comme ces différentes écritures/typographies, n'ont rien à voir entre eux! Voilà qui ferait une bien piètre vente, mais pour moi, c'est super cohérent.
J'ai d'autres livres qui ne correspondent à aucun des critères "d'écriture originale"(gravures, reliures, grands textes qui me sont chers) et qui trouvent aussi leur place dans cette cohérence: si je les ai acheté, ils sont forcément cohérents, cette cohésion se fait autour de ma personne (c'est très égocentrique!).
Certes, les collections à thèmes font de belles ventes, mais je ne vois pas tellement l'intérêt d'avoir une bibliographie chez soi: "tout Rousseau", ou "les bibles du XVIe siècle", c'est très cohérent... Mais c'est une cohérence de bibliothèque municipale ou de libraire spécialisé: ça n'est pas moi!
Je penche plutôt du côté d'Hugues et Gonzalo. Ma bibliothèque (300 ouvrages anciens environ) est cohérente à mes yeux, je ne la "construis" pas en espérant faire un ensemble cohérent d'ailleurs, mais pour le plaisir.
Une phrase me gêne dans ce que vous dites Guillaumus : "on ne peut mettre sur le même plan une bibliothèque dont la cohérence repose sur les seules inclinations de son propriétaire et une bibliothèque qui obéit à un plan résolu, que tous les bibliophiles reconnaîtront. La vente de la 1ère donnera lieu à un de ces innombrables catalogues "Bibliothèque d'un amateur", à mes yeux un peu fastidieux (surtout quand cet amateur reste anonyme); la deuxième donnera lieu à un catalogue thématique qui, dans une certaine mesure, deviendra elle-même une référence."
Comme si le but d'un bibliophile était de devenir une référence? Comme si le catalogue d'une hypothétique vente future devait orienter une bibliophilie au quotidien?
Ce qui m'ennuie dans ceci, c'est que j'ai l'impression que l'on parle d'une bibliophilie qui cherche le regard et l'approbation des autres, alors que c'est pour moi cosa mentale, comme dirait un géant, et affaire privée.
Mais c'est peut-être moi qui suis un bibliophile trop individualiste, je ne sais pas. En tout cas, je considère ma bibliohèque comme un plaisir avant tout, qui doit s'exonérer des considérations extérieures et de la "représentation". Elle est cohérente parce que je l'aime, et parce que des liens secrets unissent tous mes livres, même si je suis les seuls à les percevoir.
Etienne
Bonsoir et merci pour ce débat.
Cohérence c'est la question que je me posais au sujet de ma bibliothèque.
L'était elle ou pas?
J’intéresse à beaucoup de sujets plutôt orientés sciences naturelles, j'aime aussi la littérature,
Un livre entre dans ma bibliothèque pour plusieurs raisons
* le sujet m'intéresse,
* Il y a de belles gravures.
* Ma femme aime le travail de l'illustrateur
* Il est beau et me plait (belle reliure, beau papier etc..)
* Il peut aussi éclairer ou compléter ou enrichir une série (par exemple les correspondances littéraires du baron Grimm en opposition à l'année littéraire de Elie Fréron).
Je recherche parfois certains ouvrages parce que j’en ai « entendu parler » dans un autre livre
(par ex « compte rendu aux sans culottes.. » par le citoyen Tisset que je recherche et dont j’ai découvert l’existence dans les souvenirs et mélanges de Mr L De Rochefort
Si je regarde ma bibliothèque je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a une cohérence, mais qu'il y a DES cohérences, je n'ai en effet pas l'envie de me spécialiser dans un domaine particulier; je ne suis pas comme Guillaumus qui se sépare d'ouvrages parce qu'ils font "tache" dans sa bibliothèque.
Je pense qu'une bibliothèque est une construction personnelle qui reflète les goûts, les centres d'intérêts, à un moment donné, de celui qui la constitue,
L'important n'est pas le devenir de celle ci (une fois qu'on est dans le trou qu'importe !!!) mais le plaisir que l'on prend à la constituer, nous seul savons les efforts et les sacrifices que l'on consent pour assouvir cette passion.
Je suis comme beaucoup d'entre nous en évolution permanente, j'achète avec plus de discernement, je suis de moins en moins bibliomane, je tends vers la bibliophilie: je me documente, j'apprends
Pascal (de Soissons)
Je crains d'être fort isolé dans ce débat, mais, dans l'ensemble, je tiens bon, et suis ravi de lire tous vos avis motivés et pertinents...
Je reconnais d'ailleurs, Etienne, qu'une de vos remarques touche juste: je suis peut-être un peu intimidé par l'orthodoxie bibliophilique, et que je me laisse influencer par l'opinion commune: sans doute ma bibliothèque manque-t-elle de personnalité.
Cela étant, je ne pense pas faire une bibliothèque "pour les autres", car je ne fais part de mes achats qu'à une seule personne, ne connaissant pas d'autre amateur dans mon entourage.
Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté: j'ai seulement exprimé mon opinion personnelle sur les livres (de façon un peu raide peut-être), et n'ai voulu blesser personne. Ma bibliothèque, toute cohérente qu'elle soit, ferait d'ailleurs sans doute pâle figure auprès de bien des bibliohtèques éclectiques, mais riches en trésors et en bigarrure ! De gustibus non disputandum.
Guillaumus
Immensité du sujet !
Quelques réflexions "ex abrupto" :
- Etienne, la "cosa mentale" appliquée par Berès aux livres, et empruntée par celui-ci à Léonard de Vinci qui l'appliquait à la peinture, est tout simplement un état d'esprit.
- Guillaumus, puis-je vous faire remarquer qu'aucun livre ne peut "faire tache" dans une bibliothèque.
- Pascal, tu as bien deviné qu'il ya une filiation naturelle : le collectionneur du début devient bibliomane compulsif avant de trouver la sagesse extatique dans la bibliophilie.
Enfin, cohérence vient du latin "cohaereo" qui veut dire "être attaché ensemble" : c'est bien ce qui nous arrive avec les livres !
Bonsoir,
Essayez l'expérience suivante : regardez votre bibliothèque et demandez-vous ce qui unit vos ouvrages : vous devriez pouvoir partir d'un livre, parcourir l'intégralité de votre bibliothèque, et arriver au dernier ouvrage sans hiatus. N'importe quelle connexion est possible : thème, texte, typo, auteur, relieur, roulette... Les possibilités sont quasiment infinies. Cela me semble couler de source puisque chaque ajout ne se fait qu'en concordance avec un ouvrage déjà possédé. Ainsi, d'achat en achat, la bibliothèque se renforce et se consolide. Il pourrait être d'ailleurs amusant de demander à un amateur de jeter un oeil sur une autre bibliothèque que la sienne, et de trouver le lien qui unit les ouvrages. Il serait peut être très différent de celui à l'origine de l'acquisition.
PEL
Bonsoir à tous,
Il me semble vain de vouloir réduire une bibliothèque de bibliophile à sa seule cohérence interne; ou alors le suffixe "phile" est bien mal choisi et on devrait alors plutôt parler de "bibliologicien" ou quelque chose d'approchant ! (ou bien, collectionneur ? sourires)
Bien entendu le bibliophile a la plupart du temps besoin d'un fil conducteur, qui peut d'ailleurs être plus ou moins conscient et, comme beaucoup l'ont déjà dit, varier au fil des années.
Moi-même, je m'intéresse principalement aux livres sur la montagne et l'alpinisme. Mais jamais je n'oserais affirmer que mes achats sont toujours le résultat d'un acte *exclusivement* guidé par cette cohérence claire et pré-établie. Il m'arrive fréquemment de me livrer à quelques incartades, de "craquer" en me maudissant car tel achat ampute sérieusement un budjet que je voudrais entièrement destiné à mon thème, puis de me rassurer en cherchant *à fortiori* de subtiles correspondances qui rattachent finalement cet achat au reste de ma bibliothèque.
Ainsi chaque bibliothèque est le résulat d'un jeu d'équilibre permanent et constamment rejoué entre recherche de titres qui font réver, plaisirs esthétiques divers, cohérence suivie, coups de coeur soudain, état d'esprit du moment. Je ne vois les divergences d'opinion de ce fil que comme différentes versions de ce jeu...
PierreG
Bonsoir à tous et merci pour ce débat,
1) j'ai, depuis peu, lu un certain nombre de livres de bibliophiles (je débute en bibliophilie... Eh oui il est des maladies honteuses...) et je me dis que chacun(e) devrait écrire sur sa bibliothèque pour en expliquer la cohérence subjective. Forcément subjective (diable, encore une phrase sans verbe...)... Moi qui n'ait même pas un fichier excel pour les classer... J'ai ma bibliothèque de bibliophile (eh oui je suis cadet rousselle...) comme j'ai ma bibliothèque de travail : dans un ordre qui ne convient qu'à moi,où je ne perds rien, où je sais où tout retrouver.
2) Ce blog en est une occasion formidable, qui dépoussière les rayonnages (au passage, je me demande pourquoi certains "n'osent pas" et que les portraits ne soient pas si nombreux). Ont-ils honte "d'y aller" et de passer pour "des bleus" ce qui reproduirait le schéma, trop connu, de la bibliophilie "à papa"?
3)Si vous êtes un bienfaiteur des bibliophiles désargentés, soyez éclectique! Les bibliothèques spécialisées partent pour des prix (et, je précise, pour les mêmes ouvrages, en même condition) à des prix qui décourageront les moins de 35 ans [dont je suis]. Cela en dit long sur la bibliophilie, les salons où mon seul passage de plaisancier rajeunit mes artères à moindres frais.
4) "Jouissez sans entrave(s)". Comme l'on disait, lorsque je n'étais pas né, mais que l'on commémore aujourd'hui. "Amusez-vous [l'un n'excluant pas l'autre]" comme l'on disait à mon époque (qui me semblait bien terne en pensant à la précédente mais reverdit au soleil de celle-là sur celle-ci).
5) quoi qu'il arrive vous serez un monomaniaque...
PS : je propose de vérifier si ce débat n'existe pas chez les collectionneurs de boîtes de camembert : http://www.letyrosemiophile.com/LELIVREDOR.htm")
Bien à vous tous,
Oivier
Je prends à Bernard Grasset, un éditeur reconnu par tous, certains propos recueillis dans sa « chose littéraire » édité chez NRF en 1929 (joli broché, belle typographie, grandes idées…). Il y traite, entre autre, de l’ère bibliophilique qui caractérise ce 20eme siècle.
Le vrai bibliophile se reconnaît à ce qu’il n’achète des livres que pour lui-même. La cohérence de sa bibliothèque est le résultat de cet égoïsme. Pour un sujet d’intérêt donné, il ne se pose pas de limite mais sa satisfaction personnelle passe par la meilleure édition, la meilleure reliure ou la meilleure illustration… le prix d’achat ou le prix de vente…ma foi ! Les beaux livres s’achètent et se vendent cher, c’est normal… La passion peut quelquefois changer. Je connais des veufs amoureux…
L’odieux spéculateur, le mas-tu-vu arriviste qui vous accueille en vous disant « et maintenant, venez voir ma bibliothèque ! », il ne les a pas acheté pour lui, ces livres, mais pour vous !!! Toutes ces pièces ont été acquises à prix d’or pour témoigner du goût certain et des qualités de son possesseur, alors… la cohérence, ici, n’est pas nécessaire ! Il n’empêche que l’on peut trouver de la beauté à certaines cavernes d’Ali Baba.
Il y a le cas du vendeur de livres anciens. Vaste sujet ! Ange ou démon ?
Je pourrais évoquer celui de notre rebelle atrabilaire, avocat du diable, dont les commentaires érudits nous enchantent. Pour lui et les autres, la relaxe à l’unanimité du jury. Avoir de la « bonne marchandise » est la première des cohérences pour un passeur de savoir. Et puis, il faut le chaland pour se spécialiser.
Reste mon cas qui est peut-être le votre.
J’ai de la bienveillance pour vous, croyez-moi ! Vous avez sûrement reçu cette semaine votre troisième exemplaire du livre de Flavigny en retrouvant par bonheur les deux autres, vous avez acheté cinq partitions d’opéra et d’opérettes reliées maroquin parce que vous massacrez depuis 10 ans le répertoire dans une tessiture qui ne ressemble qu’à vous, vous « badez » devant votre Grotius d’époque en regrettant de ne pas lire le latin dans le texte, pas un livre, pas un sujet ne vous est indifférent et quand vous revenez de voir une pièce de O.Wilde, vous perdez ½ heure à retrouver le texte de la pièce que vous relirez pour retrouver la réplique que vous avez aimé. Vous avez trop de livres mais c’est parce que vous n’avez pas assez de mémoire, voila tout ! Il y a malgré tout de la cohérence à votre bibliothèque : l’amour du livre et l’envie d’apprendre sur le livre. La relaxe est-elle accordée par la cour ?
Cordialement. Pierre
Je lis le blog depuis quelques mois maintenant, et je fais aujourd'hui mon deuxième commentaire.
J'ai la petite trentaine et j'ai l'impression que comme certains d'entre nous, avant de lire ce blog, je ne me posais pas de questions sur ma bibliophilie : j'achetais des livres, obéissant à un goût et une pulsion enfouis en moi. J'achetais plus ou moins bien d'ailleurs.
Ma cohérence s'est développée avec la lecture du blog : avec le blog, j'ai commencé à comprendre ce qu'est un "bon livre", quelles exigences peuvent être celles d'un bibliophile et tant d'autres choses. Mais au delà de la cohérence, ce que j'avais envie de dire, que le plus important, il me semble, en bibliophilie comme dans tout, c'est d'évoluer, et le blog m'a fait évoluer considérablement.
J'ai compris la bibliophilie, ou je commence du moins à la comprendre. Avec ce débat sur le cohérence, une nouvelle fois, le blog fait preuve de pédagogie et m'oblige à réfléchir sur ma démarche. Ma position finalement se rapproche de celle de Pascal, une cohérence je ne crois pas, à part le fait que ces livres me ressemblent tous ("coiffe supérieure abîmée", voire quelques manques dûs aux années...), mais des cohérences, oui, absolument.
Merci au blog donc et à vos avis toujours éclairés à tous, quels progrès j'ai fait en quelques mois grâce à vous! Un vrai accélérateur de bibliophilie!
Alex.
L'atrabilaire se réveille un peu tard...
L'éthymologie du mot "cohérence" donnée par Jean-Paul, bien que juste évidemment, ne me convient pas pour définir ce que serait ma bibliothèque idéale.
Alors permettez-moi de botter en touche.
Pour moi ce sera sans hésiter la "co-errance" de ma bibliothèque. Mes livres sont voués à errer ensemble, comme un long voyage sans but.
Quelques-uns se perdent en route, d'autres rejoignent en chemin le maigre troupeau.
Cohérence sonne trop rigidesque à mes oreilles pour que je l'emploie, je préfère la poésie sub-lunaire des co-errances livresques intra-planétaires terro-terriennes.
Amitiés non-atrabilaires, Bertrand
100% d'accord avec Olivier et Alex, le blog nous fait tous progresser, et si j'étais libraire, je m'en féliciterais, parce que c'est vrai qu'il accélère le cheminement classique du jeune bibliophile bibliomane vers le bibliophile plus connaisseur, et donc aussi qui achète, presque fatalement, plus cher.
Cohérence? J'aimerais vous dire oui, mais à y bien regarder, non? Je me demande si ces bibliothèques cohérentes, c'est à dire le plus souvent spécialisées, ne sont pas les créations (infiniment respectables) de bibliophiles particuliers, voire de chercheurs (cf les livres de Dominique de Villepin)... Jean-Marc, à quand votre bibliographie des livres sur le Dauphiné à paraître aux éditions des Cendres?
Mike
(incohérent et incorrigible)
Bertrand,
Merci pour l'élégance avec laquelle vous prenez mes (très respectueuses) boutades...
Votre réponse sur la co-errance de votre bibliothèque (librairie) a piqué ma curiosité. Comment un libraire de livres anciens arrive t'il à canaliser son amour des livres ? Pourquoi s'arrêter au 20eme siècle ? Par obligation (place, compétence) ? Par désintérêt pour la littérature moderne ? Pour des raisons esthétiques liées à l'idée que vous vous faites de la beauté d'une reliure ou d'une illustration ? Pour des raisons politiques (je connais un bouquiniste royaliste !) ? Pour des raisons économiques ?
Pouvez vous nous éclairer sur la cohérence marchande dans votre domaine ? Elle doit forcement exister.
Cordialement. Pierre
Cohérence? Dans mon cas, c'est plutôt la cogérance qui me guide. Je crois que si j'avais les moyens, je serai boulimique, tout en essayant de bien acheter. Oui, mais voilà, je dois procéder à des arbitrages permanents entre offrir un week-end à ma fiancée ou acheter un bel ouvrage.
Du coup, j'achète peu, et comme j'achète peu, j'achète cohérent... Je suis un cohérent de fait, à mon corps défendant.
Julien
Réponse à l'attention de Pierre (et des autres), je vais essayer de vous répondre le plus simplement et le plus précisément possible en reprenant votre questionnaire dans l'ordre :
"Votre réponse sur la co-errance de votre bibliothèque (librairie) a piqué ma curiosité. Comment un libraire de livres anciens arrive t'il à canaliser son amour des livres ?"
J'avoue que ce n'est pas facile tous les jours, car ce ne sont pas le beaux livres qui manquent dans tous les domaines, siècles, thématiques. Pourtant, à mon niveau, il faut également toujours faire des choix, et des choix judicieux. Les choix du libraire diffèrent-ils totalement ou partiellement de ceux du bibliophile ? A mon humble petit niveau je dirais que non. En fait j'achète ce qui me plait et c'est certainement cela mon plus grand plaisir de libraire (bibliophile). A des niveaux supérieurs je pense que cela n'est plus vraiment possible, d'où mon obstination à rester tout petit (eh oui, je sais, ils ne sont pas tous enfermés - mais je maintiens. La liberté est à ce prix.)
Pourquoi s'arrêter au 20eme siècle ? Par obligation (place, compétence) ? Par désintérêt pour la littérature moderne ?
Tout simplement par goût. Je sais que l'on ne doit pas comparer l'incomparable et que si je tente une comparaison ici de ce type je risque d'en ressortir étripé mais je la tenterai tout de même. Un bel illustré XXè d'un artiste célèbre (Dali, Picasso; etc) se vend parfois (souvent) aussi cher, voire plus cher, qu'un bel incunable illustré. Je ne donne pas de préférence absolue à l'un ou à l'autre, mais je reconnais que bien souvent c'est l'édition ancienne qui aura ma préférence.
Pour des raisons esthétiques liées à l'idée que vous vous faites de la beauté d'une reliure ou d'une illustration ?
Ceux qui me connaissent savent ma cohérence si l'on doit m'en reconnaître une : une systématique exigence envers la qualité des ouvrages que je propose. A savoir des reliures très bien conservées (qui peuvent cependant être simple - une beau vélin XVIIè reste un bel ouvrage même s'il est simplement exécuté. Reste pour moi que l'essentiel est qu'il soit parfaitement conservé (ou le mieux possible pour les ouvrages très rares - pour lesquels je reconnais qu'il ne faut pas trop jouer les difficiles).
Pour des raisons politiques (je connais un bouquiniste royaliste !)
Pas d'ça chez nous, M'sieur ! Toutes les idées sont les bienvenues. J'ai dans mes amis-clients des royalistes, des libertaires, des libertins même, voire pire... et je trouve cela très bien comme ça. Cela ouvre l'esprit, je vous assure. Lorsque vous quittez quelqu'un au téléphone qui vous a parlé doctement des premières éditions latines de etc... et qu'ensuite un client arrive et qu'il vous demande du curiosa de derrière les fagots, de l'inédit, du sauvage, bref, en deux mots, du Terrible dans le genre... Vous ne vous couchez jamais aussi idiot que la veille.
? Pour des raisons économiques ?
Aussi parfois, même souvent. On a tous ses limites. Les miennes sont assez vites atteintes et je reconnais que de nombreux ouvrages me seront à jamais interdits. Mais je fais avec. Pour ne vous citer qu'un seul exemple, je vous donnerai celui-ci. Un client (plus que sérieux) me dit un jour à la boutique : "Trouvez-moi un bel exemplaire (autant dire pour lui un exemplaire parfait...) des Oeuvres de Buffon en EO en grand format, incluant les planches coloriées avec les fameux oiseaux de Martinet"... Ceux qui ont déjà humé l'odeur d'un Buffon de la sorte savent de quoi il en retourne.... Videz vos pochez M'ssieurs-dames... Ma réponse (peut-être un peu naïve aux yeux de certains néo-requins du métier) a été simple : "Monsieur, je ne manquerai pas de regarder autour de moi, mais sachez que je n'aurai de toute façon pas les reins assez solides financièrement pour digérer un tel achat. Auquel cas, je me contenterai de vous signaler ceux que je verrai passer..." Il avait compris. Un buffon de la sorte père au bas mot 75.000 euros voire plus.
Vous savez tout maintenant, ou presque. Je mène ma barque librairie comme le ferait un bibliophile, la différence en plus que je peux voir passer de très nombreux livres, du simple fait que je ne les garde pas ad vitam eternam. Mais c'est cela qui me plait.
Merci Pierre de m'avoir gentiement relancé sur les rails du blog que j'avoue avoir eu du mal à "suivre" depuis deux jours.
Amitiés pourtant fidèles, Bertrand
Pour répondre à Mike.
Je n'envisage pas de publier une bibliographie du Dauphiné, d'abord parce que je n'ai pas le temps d'y travailler de façon approfondie, mais surtout parce que cela exige une cohérence et une exhaustivité que je ne souhaite pas poursuivre. Si je veux faire un travail digne de nom, il faudrait que je travaille sur des ouvrages ou des parties du Dauphiné qui ne m'intéressent pas vraiment. Je n'en ai pas le temps ni, surtout, l'envie. C'est pour ça que la publication sur Internet me convient. Je peux suivre mon cheminement personnel, parler des livres qui me plaisent, même s'ils sont anecdotiques, et laisser des pans entiers du sujet sans être traités. C'est cette liberté qu'offre Internet.
Il y a 100 ou 150 ans, j'aurai fait paraître certaines de mes notices dans des revues savantes ou de bibliophilie. Pour ceux qui sont familiers de ce type de revue, elles fourmillent de petites notices ou de petits faits, de miscellanées, etc. qui correspondent bien à ce que je peux faire sur mon site. Quand ces revues existent encore, elles sont devenues la chasse gardée des universitaires et de l'érudition institutionnelle (que j'apprécie beaucoup par ailleurs). Il n'y a plus de place pour l'amateur éclairé, qui est pourtant celui qui peut explorer des chemins nouveaux, parfois de micro-érudition. Internet offre de nouveau cette possibilité. Je l'exploite.
Jean-Marc
Pour préciser un point de détail, le dernier Buffon de ce type que j'ai vu passer en vente sous mes yeux, a atteint la somme rondelette de 183 000 euros.
Hugues
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