« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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mardi 25 mars 2008

Le Théâtre des Martyrs de Van Luyken

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Suite à l'ouvrage présenté la semaine passée, et dans la même veine, si j'ose dire, je vous propose de découvrir aujourd'hui le Théâtre des Martyrs de Johann van Luyken.
Johann van Luyken (1649 - 1712) est un célèbre graveur hollandais. Dans cet ouvrage, il nous permet de nous représenter le martyr enduré par les saints, mais aussi par les victimes de nombreuses persécutions religieuses, depuis les débuts de l'ère chrétienne, jusqu'au milieu du 17ème siècle, et ce à travers toute l'Europe. On y croise les apôtres, les saints, mais également les vaudois, les albigeois et d'autres victimes de persécutions.
Mon exemplaire est paru à Leiden, chez Pierre van der Aa, au début du 18ème siècle. C'est un format in-4 oblong, contenant 115 gravures à pleine page, le tout dans une reliure 19ème aux armes. Les gravures sont montées sur onglet, et il n'y a aucun texte qui les accompagne, à part les légendes.
Ce qui frappe dans cet ouvrage, c'est le réalisme de la gravure, qui transporte littéralement le lecteur sur place, et qui est très caractéristique de Van Luyken. Elle fera de lui l'un des grands artistes néerlandais avec Rembrandt. Vous remarquerez par exemple avec quel souci du détail les costumes d'époque sont représentés. De manière générale, chaque gravure présente un incroyable luxe de détails.
Dans ma bibliothèque, le Théâtre des Martyrs se repose paisiblement à côté du Vestergan... suffisamment haut pour que des petites mains innocentes ne puissent s'en emparer.

H

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Sublime! Si tu ne sais pas quoi faire de ce livre... tu sais qu'il y a quelqu'un qui accepterait volontiers des cadeaux! ;)
Question technique: s'agit-il de gravures sur bois, cuivre, ou eaux fortes (faisables si le livre a été tiré à peu d'exemplaires). Ca concorderait avec le site hollandais du siècle d'or, mais bon... Il y a tellement de détails que j'ai peine à croire qu'il s'agisse de gravures sur bois.
Allez, je me répète, mais les images sont vraiment sublimes...

Hugues a dit…

Ce sont des gravures sur cuivre Pilou. Si j'étais courageux, je ferais une comparaison avec le Vestergan, il est possible qu'il y a ait, pour un même événement, des gravures différentes dans les deux ouvrages.
H

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup la fontaine qui gicle du cou du martyr de la 4e gravure... Très artistique.

Raphael Riljk a dit…

D'un livre à l'autre, regardez dans "A rebours" au chapitre 5, ce que Des Esseintes accroche au mur de son boudoir rouge et ce que Huysmans dit de Jan Luyken.

"Ces estampes...aidaient souvent Des Esseintes à tuer les journées rebelles aux livres."

Raphael

Raphael Riljk a dit…

Pour ceux qui ne retrouvent pas leur exemplaire (ou qui l'auront imprudemment prêté):

"Il avait fait tapisser de rouge vif le boudoir, et sur toutes les cloisons de la pièce, accrocher dans des bordures d'ébène des estampes de Jan Luyken, un vieux graveur de Hollande, presque inconnu en France.

Il possédait de cet artiste fantasque et lugubre, véhément et farouche, la série de ses Persécutions religieuses, d'épouvantables planches contenant tous les supplices que la folie des religions a inventés, des planches où hurlait le spectacle des souffrances humaines, des corps rissolés sur des brasiers, des crânes décalottés avec des sabres, trépanés avec des clous, entaillés avec des scies, des intestins dévidés du ventre et enroulés sur des bobines, des ongles lentement arrachés avec des tenailles, des prunelles crevées, des paupières retournées avec des pointes, des membres disloqués, cassés avec soin, des os mis à nu, longuement râclés avec des lames.

Ces oeuvres pleines d'abominables imaginations, puant le brûlé, suant le sang, remplies de cris d'horreur et d'anathèmes, donnaient la chair de poule à des Esseintes qu'elles retenaient suffoqué dans ce cabinet rouge.

Mais, en sus des frissons qu'elles apportaient, en sus aussi du terrible talent de cet homme, de l'extraordinaire vie qui animait ses personnages, l'on découvrait chez ses étonnants pullulements de foule, chez ses flots de peuple enlevés avec une dextérité de pointe rappelant celle de Callot, mais avec une puissance que n'eut jamais cet amusant gribouilleur, des reconstitutions curieuses de milieux et d'époques; l'architecture, les costumes, les moeurs au temps des Macchabées, à Rome, sous les persécutions des chrétiens, en Espagne, sous le règne de l'inquisition, en France, au moyen âge et à l'époque des Saint-Barthélemy et des Dragonnades, étaient observés avec un soin méticuleux, notés avec une science extrême.

Ces estampes étaient des mines à renseignements: on pouvait les contempler sans se lasser, pendant des heures; profondément suggestives en réflexions, elles aidaient souvent des Esseintes à tuer les journées rebelles aux livres.

La vie de Luyken était pour lui un attrait de plus; elle expliquait d'ailleurs l'hallucination de son oeuvre. Calviniste fervent, sectaire endurci, affolé de cantiques et de prières, il composait des poésies religieuses qu'il illustrait, paraphrasait en vers les psaumes, s'abîmait dans la lecture de la Bible d'où il sortait, extasié, hagard, le cerveau hanté par des sujets sanglants, la bouche tordue par les malédictions de la Réforme, par ses chants de terreur et de colère."

Hugues a dit…

Merci Raphael. Impossible de mieux exprimer ce que l'on ressent en parcourant l'ouvrage.
Hugues

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