« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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lundi 3 mars 2008

Portrait de Bibliophile : Eric / Z1k

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je vous propose ce soir le portrait d'un bibliophile fidèle au blog, Eric, qui signe également ses messages Z1k. Certains d'entre vous l'ont d'ailleurs croisé en sucrissime compagnie au dîner des bibliophiles du blog, qui avait été organisé à Paris.

Bonjour Eric, pourriez-vous nous parler un peu de vous et de votre bibliothèque?

J’ai 36 ans et je suis responsable d’un projet de recherche sur les systèmes de sécurité active dans l’automobile.

Ma bibliothèque est composée d’ouvrages d’alchimie (principalement des rééditions épuisées des traités majeurs), de mathématiques (avec un choix, plus personnel, des meilleurs ouvrages sur le sujet, en édition récente), et des livres anciens, avec pour ces derniers, un choix plus éclectique :
- A ma grande déception, seulement trois livres de mathématiques (La science du géomètre de Deidier, L’usage du compas par Ozanam et la première traduction française des éléments d’algèbre d’Euler)
- Un ensemble de livres de sciences anciennes, chymie principalement (dont cinq éditions du cours de Chymie de Lemery, je sais, c’est grave mais je me soigne. Ceci dit, si vous avez un exemplaire à vendre …), et ésotérisme
- Quelques ouvrages du XVIè et un incunable, complet et dans un état quasi parfait (1488, Venise : Gerson, Imatio Christi)

Cours de Chymie de Nicolas Lemery, augmenté par Baron, 1756, la meilleure édition.

Depuis quand la passion de la bibliophilie s'est-elle emparée de vous?

La passion de la bibliophile m’est tombée dessus en juillet 1985, mais je ne m’en suis rendu compte que bien plus tard. Cherchant un livre à lire, je suis rentré par hasard dans une librairie. Les livres de poche étaient dans une sorte de grenier aménagé et je ne sais pas pourquoi, j’ai acheté « Le trésor des alchimistes », de J.Sadoul. Et voilà, c’est à partir de ce moment que j’ai découvert que les textes d’alchimie que je voulais lire n’existaient pas dans des éditions récentes et que me suis tourné vers les livres anciens.

Au début, j’ai commencé par rassembler les textes fondamentaux avec parfois des quêtes de plusieurs années pour trouver un livre, par exemple Le Char Triomphal de l’Antimoine (Ed Retz). J’ai failli l’avoir pourtant. En effet il était dans le catalogue de mon libraire préféré et il ne s’est pas passé un quart d’heure entre le passage du facteur et mon appel pour réserver le livre. Quelle déception ! Un concurrent m’avait devancé. Au final, c’est, quelques années plus tard, Bergamote qui me l’a offert.

Ne me jugeant certainement pas assez actif, la bibliophilie m’est à nouveau tombée dessus en août 2005. En fait c’est plutôt le ciel qui m’est tombé dessus. Je corrige, c’est moi, qui suis tombé sur la terre, violemment, en deltaplane.

L’interdiction familiale de pratiquer toute activité de plein air qui s’en est suivie, associée au pécule engendré par la vente forcée de mon matériel m’a permis de me « recentrer » sur les livres. Internet y aide beaucoup. Les livres hier introuvables ne le sont plus. En tant qu’acheteur c’est un vrai bonheur.

Paul et virginie 1879 relié par Chambolle Duru

Quels sont vos domaines de prédilection, ou votre approche est-elle éclectique et vous fonctionnez au coup de cœur?

Bien sur j’ai des domaines de prédilection, sciences et techniques, agriculture, gastronomie, mais je fonctionne aussi au coup de cœur. Parfois je vois passer un ouvrage de mémoires, des illustrés du XVIII° ou simplement un livre, sans raison particulière, dont je me dis qu’à ce prix, ce serait dommage de se priver. D’autre part, je ne m’attache qu’à très peu d’ouvrages, ainsi, en fonction de la place disponible, lorsque je me lasse d’un livre, lorsque je recentre ma collection ou bien pour l’améliorer, je n’hésite pas à revendre.

Où achetez-vous vos livres? Internet, salons, libraires?

J’achète mes livres à des libraires, via internet, sur Ebay ou parfois dans des ventes aux enchères traditionnelles. Le fait de faire tourner les livres de ma bibliothèque, me permet aussi d’acheter par correspondance, sans craintes, mais aussi sans illusion sur l’honnêteté des descriptions, des livres que je n’ai ni vus ni touchés.

Lavoisier : Traité élémentaire de chimie, 1793. 13 pl. ht. de Mme Lavoisier

Quel est le ou les livres qui vous font rêver? Et les livres que vous possédez déjà et qui vous sont particulièrement chers?

Vous voulez dire, à part les Cours de Chymie de Lemery ? Je suis particulièrement attaché au « Traité élémentaire de chimie 2° édition chez Cuchet » de Lavoisier, avec 13 planches dépliantes dessinées par sa femme. Un texte de référence.

Sinon, je cherche désespérément, L’escalier des Sages par Barent Coenders van Helpen. En écrivant ces lignes, je vois qu’une réédition vient de paraître Janvier 2008. Ma commande est partie. Pour une édition du XVII°, je ne désespère pas.

Œuvres de Saint Augustin. 10 tomes en 18 volumes. 1563

Vous savez que les lecteurs du blog aiment les histoires, auriez-vous une anecdote à nous raconter, sur une trouvaille, un livre, autre chose qui touche à la bibliophilie?

Il m’arrive souvent, et sans aucun état d’âme (financièrement parlant, une « mauvaise » affaire par ordre est souvent plus rentable qu’une « bonne » affaire faite au prix d’une journée de congé), d’enchérir par téléphone ou par ordre dans des ventes publiques.

Un jour j’ai donc remporté à bon prix, un ouvrage annoncé (le matin de la vente par téléphone et sur le procès verbal) « incomplet d’un Tome », une édition du XVI° des œuvres de Saint Augustin en 18 volumes, reliés en maroquin rouge ancien à la Du Seuil. Arrivé chez moi, l’ouvrage s’est avéré bien complet du tome 3, temporairement égaré (ou subtilisé ?) lors de la vente. Bonne surprise !

Enfin, vous êtes un visiteur fidèle du blog... qu'en attendez-vous?

Qu’il me permette de faire connaissance et d’échanger avec le reste de notre petite communauté.

Merci Eric, à bientôt.

H

8 commentaires:

Jean-Marc Barféty a dit…

Merci de ce beau portrait. Lorsque je lis qu'Eric n'hésite pas à se séparer de ses livres, j'ai repensé à mes réflexions suite à la lecture du catalogue de la vente des ouvrages de Dominique de Villepin. En effet, dans sa préface, il dit que c'est une collection constituée pendant 30 ans dont il se sépare pour "s'alleger, se desinstaller, à l'aube d'une nouvelle étape de sa vie".

Pour dire les choses franchement, je n'arrive pas à comprendre comment on peut se séparer d'un livre et encore plus d'une collection que l'on a constituée pendant tant d'années, avec probablement beaucoup d'énergie et d'amour du livre.

Eric, peux-tu nous expliquer comment tu arrives à te séparer d'un livre ? Pour les autres lecteurs, est-ce que vous vous imaginez vous séparer brutalement et totalement d'une bibliothèque patiemment constituée. Pour moi, la réponse est non, sauf revers de fortune.

Jean-Marc

Anonyme a dit…

Et bien en fait Jean-Marc, sur un plan technique, c'est tout simple : je prends des photos je fait une anonce et je le mets en vente !
Psychologiquement, je ne me sépare pas réellement d'un livre. Je le remplace par un autre, encore mieux. Je pense que cela vient du fait que je prend plus de plaisir à trouver, acheter et lire un livre qu'à l'admirer ou àle relire plus tard. La possession n'est de toute façon que provisoire, alors autant faire profiter à d'autre ce bonheur et faire "tourner" le livre.
Ceci dit, je n'ai pas précisé dans mon portrait, mais j'ai un rayon des livres dont je ne me séparerais pas. Il y a des livres de tout prix, mais généralement ceux sont ceux dont je considère qu'il sont les plus importants dans mes domaines de prédilection (par le texte et l'édition) et que j'ai eu le plus de mal à trouver.

Eric

Gonzalo a dit…

>Pour les autres lecteurs, est-ce que vous vous imaginez vous séparer brutalement et totalement d'une bibliothèque patiemment constituée. Pour moi, la réponse est non, sauf revers de fortune.

"brutalement et totalement" certes non! Mais je n'ai rien contre l'idée de vendre aussi de temps en temps. Cela fait partie des plaisirs de la bibliophilie que de voir les ouvrages circuler. Ma bibliothèque vit, elle respire et évolue au même rythme que moi. Je change, elle change. Elle garde toujours des traces, stigmates de ses différentes phases (ainsi une étagère complète de San Antonio entre Salinger et George Sand)., mais ne reste pas bloquée.
C'est d'abord, je crois, une question de tempérament: il est des gens, j'en suis, qui se lassent et se passionnent très facilement et pour tout. Ma bibliothèque a une très nette tendance à s'agrandir, je ne sais plus où stocker les livres dans mon studio de 20 m², mais, depuis que j'achète du livre ancien ou d'occasion, j'ai toujours vendu. Cela aussi bien pour les livres du XVIe siècle que pour les livres de poche.

Il est des livres, pourtant charmants, que j'ai acquis pour faire une affaire, parce qu'ils n'étaient pas chers, et que je n'hésiterai pas à revendre si j'en ai l'occasion. Il y a en revanche une poignée (pas plus) d'ouvrages, peut-être moins beaux ou qui valent moins, que je ne vendrai pas avant un long moment, car j'y suis trop attaché. Il en est aussi que je vendrai un jour, mais seulement quand j'en possèderai un exemplaire plus beau.

Après, pour être honnête jusqu'au bout, je dois bien avouer que si j'avais beaucoup d'argent et beaucoup de place, je ne prendrai peut-être pas la peine de vendre mes livres.

Acheter des livres est un luxe, pouvoir les garder aussi!

Anonyme a dit…

Intéressant portrait, le matin au réveil.Le médecin s'est arrêté un peu sur la radio très lisible : quels dégats !
Centres d'intérêt passionnants pour le scientifique, mais attention à la bibliomanie exclusive dénoncée par le Bibliophile Jacob !
Quant à la vente d'une bibliothèque de bibliophile, beau sujet Hugues à traiter : certains, ne voulant pas détruire tant d'années d'efforts et sacrifices, la déposent entière dans une bibliothèque (par vente ou don), d'autres estiment avoir profité un temps de ces livres merveilleux et pensent qu'il est naturel de "rendre la monnaie" et de les proposer en vente publique aux amateurs, d'autres enfin sont obligés de vendre leurs livres par manque de place ou par nécessité (quelle qu'elle soit : besoin d'argent, divorce,...). Avec l'âge, on acquiert une certaine sagesse qui rend la chose moins douloureuse...J'avais bien dit à trente ans que jamais je ne vendrais ma bibliothèque bretonne : pour payer les chères études de l'une de mes filles (ESC Bordeaux et Madrid, une année aux USA,..), j'ai fait le bonheur d'un jeune libraire qui s'installait à Quimper...et je suis toujours vivant ! On est moins excessif à 60 ans qu'à 20 !

Hugues a dit…

C'est amusant, en publiant le portrait d'Eric, j'ai immédiatement pensé que ce point précis (se séparer de ses livres), allait attirer des commentaires.
J'ai la même vision qu'Eric. Si on revient d'ailleurs à Dominique de Villepin, il semble qu'il se sépare de sa bibliothèque napoléonienne... pour mieux se consacrer aux ouvrages de poésie du 20ème siècle.
C'est caractéristique. J'ai dans mes rayonnages des livres, voire des rayons entiers de livres dont j'espère ne jamais avoir à me séparer, et j'en ai d'autres, qui vont et viennent, pour plusieurs raisons :
1. Ce sont des achats anciens, qui trouvaient grâce à mes yeux il y a quelques années, mais plus maintenant, alors que je suis devenu plus exigeant. Et plutôt que de les laisser croupir dans un coin, sans "amour", je les revends de temps en temps, pour les remettre dans le circuit où ils feront le bonheur d'autres bibliophiles.
2. Ce sont des ouvrages qui ne m'intéressent plus simplement, parce que n'étant pas monomaniaque, mes goûts évoluent.
De manière générale, je vends soit pour faire de la place et remettre sur le circuit des livres qui ne m'intéressent plus, soit et c'est de loin le plus fréquent pour financer de nouveaux achats ou "améliorer". En clair, je vends un livre tout pourri acheté avec mes maigres ressources d'étudiant il y a 10 ans parce que je viens d'acheter le même relié par Chambolle-Duru.
Ou alors, parce que je viens de faire un achat important... et que je dois me séparer d'autres ouvrages pour le financer...
Dans tous les cas, je n'ai aucun problème avec cela, si on écarte les volumes que je veux absolument garder.
H

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Curieusement, et c'est ici l'amateur bibliophile qui parle, je me rends compte à la lecture de vos commentaire, qu'aucun des ouvrages que je détiens n'est assez important pour que je m'interdise de m'en séparer un jour, en même temps tous sont importants car choisis avec soin et chacun avec une particularité qui me les rend chers. Donc pour faire court, aucun et tous sont importants, je ne me séparerais d'aucun ou de tous, selon les temps. C'est la dualité du bibliophile. Constituer une unité à force de quête. Mais dans tout ceci, finalement, plus que le livre, objet physique, palpable, n'est-ce pas la quête qui nous anime tous ici ? Pour mon cas, c'est certain, un livre tant recherché ou tant désiré, une fois sur les rayons, perd quasi instantanément tout intérêt "bibliophilique". Je n'avais que l'envie de le chasser !

D'ailleurs j'en ai fais la remarque à quelqu'un du blog lors de notre passage au salon de la bibliophilie du Carrousel. J'avais alors en mains une reliure à la Grolier avec entrelacs de filets dorés sur veau fauve, un petit in-8, joli, presque parfait, presque insignifiant aussi, juste un petit vent frais de l'histoire passant dessus avec ce doux parfum de plaisir tactile inimitable. Alors j'ai dis la chose suivante : Avoir en main un tel volume (proposé à plusieurs milliers d'euros tout de même), démystifie totalement la chose. Le livre rare, la reliure si belle, tant convoitée des amateurs de tous siècles, perd, une fois en mains, cet indéfinissable petit quelquechose qui faisait qu'on y attachait presque une connotation mythologique. Idem ce jour là pour un Molière de 1673, en maroquin rouge du XIXè, édition si rare, à 10.000 euros, que j'ai eu en mains et qui m'a émue au point que désormais je me dis que ce n'est peut-être pas la peine de la posséder vraiment.

Voilà, tout ceci pour dire que finalement, si je pouvais, je pense que je vendrais tous mes livres, que la journée j'irais aider aux restos du coeur et que la nuit je passerais mes veilles dans les dédales des bibliothèques sombres et publiques... qui ne sont ouvertes que le jour...

Amitiés, Bertrand

Hugues a dit…

Amusant. Je peux aimer la traque, mais ce n'est pas le moment fort pour moi, notamment parce qu'il est très connoté "financièrement". Pour moi, au contraire, le moment clef se situe quand une fois chez moi, je prends l'ouvrage en mains, je découvre ses qualités ou ses défauts, je le parcoure, je le lis... probablement parce qu'avant toute chose, je suis un lecteur.

Mais pour revenir au fait que des livres vont et viennent, cela me convient bien. Cela rejoint mon idée que finalement, nous n'en sommes que des dépositaires, pendant des périodes plus ou moins longues.

Sur un plan plus psychanalytique, je pense que pouvoir accepter le fait que certains s'échappent et quittent mes rayonnages me permet d'éviter la névrose accumulatrice qui guette souvent le collectionneur.

H

Anonyme a dit…

Bertrand, pour "La Bibliothèque la nuit", appeller Alberto Manguel !
Pour le reste, tu tiens un discours de ce que les anglo-saxons nomment "Book collectors", ce que je ne traduis effectivement pas exactement par "Bibliophiles"...

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