Amis Bibliophiles bonjour,
Il y a toujours des esprits chagrins qui se plaindront que la librairie est devenue un hobby, voire un sacerdoce... et puis il y a d'autres esprits, plus audacieux, moins blasés qui font le choix d'entrer en librairie en 2015.
C'est le choix de David, qui a ouvert sa librairie ancienne, la librairie Pierre de Jade, à La Flèche, au mois de septembre dernier.
Je ne pouvais laisser passer l'occasion de vous les présenter tous les deux, non seulement parce que j'ai des ancêtres sarthois, parce qu'Olivier, le frère de David (deux frères bibliophiles!) est un membre actif du Blog, mais aussi parce que l'ouverture d'une librairie anciennes est toujours une formidable nouvelle...
Bonjour David, pourriez-vous nous présenter votre librairie ?
J’ai ouvert ma librairie à La Flèche en septembre 2015.
Elle est située dans le centre-ville à quelques centaines de mètres du fameux Prytanée Militaire. J’y propose essentiellement des éditions anciennes allant du 16ème au 19ème (littérature, voyages, sciences, régionalisme, ésotérisme etc).
Je présente également des ouvrages « modernes » en édition originale et/ou enrichis d’envoi. Bien sûr, j’ai également accroché aux murs des dessins anciens ainsi que des gravures du 18ème et du 19ème.
Même si j’ai une prédilection personnelle pour les livres de voyage et les ouvrages avec envoi (Le « Cyrano » d’Edmond Rostand vient notamment de rejoindre une rareté dédicacée par Alexandre Dumas père…), je suis un libraire généraliste. Ouvrir une librairie ancienne était un rêve que je caressais depuis de nombreuses années. Malgré le contexte difficile pour le monde du livre, j’avais envie d’ouvrir ma propre petite librairie. Quand mon ingénieure de femme s’est vue proposer un poste intéressant dans la Sarthe, nous nous sommes mis en quête d’un nouveau logement. Nous avons rapidement décidé de nous installer à La Flèche. Une ville chère à mon Roi préféré (Henri IV) et riche en patrimoine historique.
Nous avons eu un coup de cœur pour une maison ancienne du centre-ville qui avait le bon goût d’être proposée avec une petite boutique attenante. L’occasion était trop belle d’ouvrir enfin ma petite librairie…
Quel a été votre parcours avant de créer cette librairie?
J’ai été journaliste de presse écrite durant une quinzaine d’années. Mais comme dit l’adage, le journalisme mène à tout à condition d’en sortir ! J’en suis donc sorti et je me suis lancé dans la grande aventure de la librairie ancienne.
Cela fait maintenant un peu plus de quatre ans. « Pari risqué » me disait-on de toutes part… Ma famille et moi vivions alors près de Nantes. Mon épouse qui savait que je rêvais de devenir libraire m’a soutenu sans réserve. Ma famille dont mon frère Olivier (universitaire et qui est aussi l’un des bibliophiles les plus avisés de Toulouse !), quelques amis libraires et bibliophiles nantais m’ont également encouragé. Ils m’ont mis le pied à l’étrier et je les en remercie !
Je me suis jeté à l’eau en septembre 2011.
Durant les premiers mois, je proposais mes ouvrages uniquement sur le Net. J’étais un «libraire en chambre» comme on dit… J’ai cependant vite trouvé insupportable cette approche déshumanisée pour ne pas dire virtuelle du métier de libraire. J’avais viscéralement besoin de rencontrer des bibliophiles et de parler livres avec eux ! J’ai donc très vite pris l’habitude de tenir un stand le samedi matin aux Puces de Nantes sur la Place Viarme.
Un endroit assez extraordinaire qui, dès potron-minet, réunit chaque samedi des dizaines de brocanteurs mais aussi de nombreux libraires de Loire-Atlantique, de Vendée, de Bretagne et bien sûr désormais aussi de la Sarthe ! J’allais chiner sur cette fameuse Place Viarme depuis près de dix ans !
Évidemment passer du jour au lendemain de l’autre côté de la barrière (c’est-à-dire cesser d’être un simple chineur pour devenir un marchand) a été un moment assez troublant. Une métamorphose exaltante aussi ! Aujourd’hui, je suis un mordu de la Place Viarme et je continue d’y déballer toutes les deux semaines.
Je me rends également régulièrement à Paris au Marché Brassens. Brancion : encore un endroit que j’ai longtemps hanté en tant que chineur ! Dans mon autre vie (celle de journaliste donc), je me débrouillais souvent pour rester le vendredi soir sur Paris : je me logeais dans un petit hôtel de la Rue Brancion pour être sûr d’être parmi les premiers chineurs le samedi matin ! Combien de fois ai-je péniblement rejoint la Gare Montparnasse encombré de mes nombreux achats ! Avant d’ouvrir ma librairie à La Flèche, je déballais donc régulièrement Place Viarme et au Marché Brassens. Je continue d’ailleurs !
J’y ai multiplié les rencontres avec des bibliophiles (quelques bibliomanes aussi !) de tous horizons : universitaires, journalistes (!), musiciens, médecins et intellectuels parfois de tout premier plan. Quel bonheur quand je sais qu’un ouvrage, une plaquette rare ou un document va rejoindre la bibliothèque d’un érudit qui a déjà tout (ou presque !) et qui est donc particulièrement difficile à séduire. Si j’y parviens, je me dis que je n’ai pas trop mal travaillé !
Etiez vous bibliophile, quels domaines, quelles époques ont vos préférences?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des livres entre les mains. Gamin, je dévorais les classiques (Dumas, Verne, Pagnol)… La maison familiale était pleine de livres. Il n’y avait littéralement qu’à tendre la main !
Je dois probablement aussi ma bibliophilie à l’un de mes professeurs de collège. Il a eu la riche idée de nous faire visiter le fond en livres anciens du Mont Saint Michel qui depuis la Révolution est préservé à Avranches (Manche), ma ville natale. Je me vois encore entrer dans la salle dédiée à la conservation des ouvrages les plus précieux. Quel choc ! Manuscrits enluminés et superbes rangées d’in-Folio ont fortement impressionné le gamin de 12 ou 13 ans que j’étais. Il y avait de grands lecteurs dans ma famille mais pas de bibliophiles à proprement parler. Mes éditions rares, c’est donc par mes propres moyens que je les ai glanées.
Une à une ! J’ai d’ailleurs mis du temps avant de commencer à me constituer un début de vraie bibliothèque. Etudiant à Paris, j’admirais les vitrines des grandes librairies anciennes. Trop impressionné (trop désargenté surtout !), je poussais rarement la porte de ces prestigieuses échoppes. A l’époque, mon plaisir consistait surtout à aller à la rencontre d’écrivains afin qu’ils me dédicacent leurs opus du moment.
Je n’ai commencé à acheter mes premiers ouvrages véritablement rares qu’une fois entré dans la vie active. Mes choix se portaient prioritairement sur les impressions du XVIe et les livres de voyage… Ces livres glanés par mes soins au fil des années - et que je pensais bien garder toute ma vie ! - ont cependant aujourd’hui rejoint d’autres bibliothèques que la mienne. Quand je suis devenu libraire, mes livres sont en effet devenus à vendre !
Exception faite bien sûr des livres dédicacés à mon nom, ils m’ont tous quitté ! Au début, il m’était particulièrement douloureux de me séparer des ouvrages les plus précieux. Aujourd’hui, je me contente du bonheur d’avoir pu les conserver quelques semaines ou mois. Je suis un passeur de livres et cela me convient parfaitement !
Comment allez vous travailler: une librairie physique, des catalogues, des spécialités?
Ma librairie de La Flèche est ouverte du lundi au vendredi (et le samedi sur rendez-vous). J’ai été surpris par l’excellent accueil que les Fléchois et Sarthois m’ont réservé. Beaucoup semblent ravis d’avoir un bouquiniste dans leur région. Et pour moi, c’est un plaisir tout neuf que d’accueillir des clients dans ma propre boutique.
Croyez-moi : j’apprécie vraiment la démarche qui consiste à faire l’effort de venir à ma rencontre. Je réserve évidemment le meilleur accueil à ceux qui poussent la porte de ma boutique. Je prends autant de plaisir à vendre un classique bon marché mais joliment relié à une étudiante en Lettres qu’une édition rare (et moins bon marché !) de Chateaubriand qu’un érudit local me disait chercher depuis 20 ans !
Le week-end, je continue à proposer mes ouvrages à Viarme, à Brancion ou sur les salons du livre ancien du Grand Ouest (Redon, Brissac, Château-d’Olonne etc).
Comme tous les libraires, je suis présent sur le Net via l’incontournable Ebay et un petit site personnel (http://librairiepierredejade.blogspot.fr). A la grande surprise de la plupart de mes collègues, je ne suis cependant pas très actif sur le web… Je songe également à éditer des catalogues. C’est une demande récurrente de mes clients. Il va vraiment falloir que je m’y mette. C’est l’une de mes résolutions pour 2016 !
Parfois, des clients m’invitent à venir voir leurs ouvrages. J’ai donc eu le privilège de parcourir les rayonnages de plusieurs bibliothèques privées. Si certaines sont très intéressantes, d’autres sont tout simplement renversantes ! J’ai ainsi encore en tête la bibliothèque monumentale d’un universitaire nantais de renom. Cela fait près de cinquante ans qu’il réunit des milliers d’ouvrages soigneusement choisis (et lus !). Les thématiques sont multiples - de la médecine à la philosophie. Pour chaque discipline, il y a tant d’ouvrages rarissimes que j’en ai encore le tournis. Ce qu’il a bâti ce n’est pas une bibliothèque, c’est un monument ! Et je suis particulièrement heureux de savoir que quelques uns de « mes » ouvrages y ont trouvé leur place.
David/Hugues.
Librairie Pierre de Jade
10, Rue Brasseur
72 200 La Flèche
Ouverture du lundi au vendredi de 14h à 19h (et sur rendez-vous).
Tel : 06 60 40 14 50 – 02 43 94 44 43
et ici
7 commentaires:
BRAVO !
Un libraire en chambre qui n'ose pas franchir le pas.
C'est de ton père dont tu parles quand tu évoques tes ancêtres sarthois ? :-)
Un beau portrait qui renoue avec une rubrique trop rarement ouverte, merci. Et puis: c'est Jean-Luc Leservoisier qui va être content d'avoir fait naître une vocation.
Une nouvelle librairie spécialisée en livres anciens. Quelle bonne nouvelle pour les bibliophiles ... de l'Ouest !
Tous mes voeux vous accompagnent pour cette belle aventure !
Gilles
Une reconversion suite à une opportunité et un audacieux parcours que je partage avec vous, David. Notre force, nous la puisons dans notre ancienne activité qui nous a donné beaucoup de satisfactions et dans l'enthousiasme à en découvrir une nouvelle. Je réalise aujourd'hui que je ne savais pas grand chose du commerce du livre ancien à mes débuts ; je n'étais qu'un lecteur et je me croyais un peu bibliophile...
Je vous souhaite beaucoup de joies dans ce métier et autant de bénéfices financiers ! Bravo ! Pierre Brillard (un confrère du sud de la France)
Félicitations !
Bravo, un reconverti de 2008 qui vous souhaite bonne réussite. J'espère également bientôt faire totalement chambre à part, afin que mes clients puissent leurs caresser les dos sans trop les décoiffer, ce en toute tranquillité. Mais je suis bien plus lent...
Daniel B.
Daniel Bayard libraire à Millery proche de Lyon et sur le Net.
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